Voici une suite au merveilleux texte « Lettre aux patients » que j’ai traduit et publié récemment et qui confirme tout à fait mon opinion comme quoi les médecins ne sont PAS des dieux, qu’ils sont des gens comme vous et moi, mais avec un égo gonflé à bloc, et qu’ils n’apprécient pas de voir entrer dans leur bureau un mystère ambulant qui menace leur confort.
Il s’agit d’un petit « guide » sur la meilleure façon d’agir lorsque l’on rencontre un médecin. Surtout la première fois.
Et ça se résume à : « faire la niaiseuse ».
Ça m’a pris des années à comprendre, à perfectionner la technique, et je m’oublie encore parfois. Mais je suis certaine que j’ai, en général, un meilleur contact et un meilleur traitement grâce à cette attitude.
J’ai un baccalauréat en psychologie, et pendant mes études, j’ai eu des cours en biologie, en neurologie et j’ai fait de la lecture de recherche psychologique mais aussi médicale au fil des années. J’ai aussi travaillé dans les archives d’un hôpital pendant 5 ans, où j’ai aussi travaillé aux urgences pendant quelques mois.
Autrement dit : Je connais les vrais termes médicaux et je les comprends.
Je comprends comment fonctionne le corps humain, beaucoup plus que la moyenne des gens.
En prime, étant curieuse de nature et atteinte d’une maladie chronique, comme beaucoup, j’ai fait de la recherche sur internet et dans des livres, j’ai lu des recherches médicales depuis des années, et je vis avec mon corps depuis ma naissance… Comme toute personne atteinte d’un problème de santé, je suis experte de ma condition et de mon corps. Mais j’ai cet avantage qu’avec mes connaissances, j’ai pu m’informer une petite coche de plus: j’ai pu aller lire directement la recherche en anglais et la comprendre.
J’ai aussi étudié en arts et lettres au cégep et j’ai toujours aimé lire. J’ai un très bon vocabulaire et je m’exprime bien.
On croirait que ce seraient des atouts.
Non.
À mes premières visites médicales, quand mon syndrome d’Ehlers-Danlos s’est compliqué d’hypotension orthostatique il y a 10 ans, je tentais d’expliquer mes symptômes… je parlais de « douleur intense aux lobes temporaux », de « troubles cognitifs », d' »épuisement à l’effort »… et grâce à mon vocabulaire étendu, mon manque du mot passait plutôt inaperçu, sauf de légères hésitations ici ou là, parce que je trouvais toujours un synonyme pour dire ce que j’avais à dire.
À m’entendre parler, les médecins pensaient tout de suite avoir affaire à une hypochondriaque! J’avais l’air de réciter les symptômes tels que décrits dans un livre médical ou tels que trouvés en ligne!
J’ai dû apprendre à « faire la niaiseuse ». Même si je savais que l’endroit où j’avais mal à la tête était « supra-orbital », je devais POINTER et dire « là ».
Même si je savais que la bosse osseuse qu’on a sur le côté de la cheville s’appelle la malléole, je devais, encore une fois, pointer et dire « euh, ben, l’os, là ».
C’est un peu comme le fait qu’on apprend à ne pas nous maquiller ni porter trop d’attention à notre look avant un rendez-vous avec le médecin… parce que si on a l’air « en forme » on est moins pris au sérieux…
Parfois aussi, on veut passer une information… par exemple, une fois j’avais une infection sous-cutanée au pied, et mon amie médecin, d’après mes symptômes (par téléphone) m’avais dit qu’elle était convaincue que c’était une cellulite. Ça se traite par antibiotique et il était important d’être traitée rapidement car ça pouvait se compliquer (c’était aussi très douloureux!).
Je n’avais pas de médecin de famille à l’époque, mais je voyais de temps en temps le même médecin sans rendez-vous… qui n’était pas très bon.
J’ai été le voir, et j’ai dit, plein de doute dans la voix, que mon amie médecin pensait que, peut-être, c’était une cellulite?
Il n’y aurait peut-être pas pensé… mais avec ma suggestion, il a simplement confirmé et m’a prescrit ce dont j’avais besoin.
Le truc dans ces cas-là, c’est de donner l’information, tout en laissant entendre qu’on a rien à y voir, qu’on n’a pas d’opinion, qu’on le dit « en passant », sans trop y croire… surtout ne pas laisser entendre au médecin qu’on en sait plus que lui ou qu’on pense que quelqu’un d’autre est plus compétent!!!
Évidemment, beaucoup de médecins détestent ce genre de « suggestion » peu importe comment c’est présenté. Mais l’important est de passer l’information pour avoir le meilleur traitement possible. Si l’information est correcte, ils ne peuvent pas ne pas l’entendre, et ils la prendront en compte. Et si c’est bien présenté, leur égo n’est pas blessé. 🙂
C’est tout!
Le guide tient en peu de choses :
- utiliser les mots de tous les jours
- pointer du doigt
- gesticuler ou mimer (« ça fait comme ça »)
- hésiter
- présenter les idées des autres comme telles : « mon médecin a dit… », « une amie m’a parlé de… »
Un exemple concret :
Quand j’ai vu le médecin de l’urgence la semaine dernière… j’ai commencé par lui dire que j’avais le syndrome d’Ehlers-Danlos. Et sur ce point j’ai montré de la certitude, parce que c’est important qu’il n’y ait aucun doute. Mais je l’ai dit sans être sur la défensive, ce qui est important!
J’ai expliqué mes symptômes avec les mots « faciles » et en pointant beaucoup : « J’ai mal ici (pointe), j’ai de la misère à respirer, et j’ai les bras comme engourdis ». Quand elle m’a demandé de décrire ma douleur, j’ai hésité longtemps et je ne me suis pas forcée pour ne pas bafouiller, au contraire.
Quand elle m’a demandé de décrire l’engourdissement, pareil : « ben, j’ai comme toujours envie de faire ça (frotter les doigts sur les paumes) ».
Puis j’ai minimisé le tout, en disant que je ne pensais pas du tout faire une crise cardiaque ni rien du genre, mais que mon généticien m’avait « fait peur » en me disant que j’étais à risque d’un anévrisme de l’aorte et qu’il m’avait dit de consulter si j’avais ce type de symptômes… mais qu’en fait je m’inquiétais plus d’un retour de pneumonie puisque ça ressemblait aux symptômes que j’avais eu cet automne et depuis… (donc c’était presque comme si le généticien m’envoyait!).
J’ai dit que j’avais pensé à un déplacement de ma clavicule (ne PAS mentionner « subluxation »!) mais que puisque l’antidouleur n’avait pas fait effet, je m’étais dit que c’était pas le cas, car sinon je n’aurais pas été à l’urgence.
Le but? Montrer que je ne suis pas là pour rien, que je ne suis pas de ceux qui font perdre leur temps aux urgentistes avec un rhume. Que je suis habituée aux blessures et aux infections et que je m’arrange toute seule habituellement. Que si je suis là, c’est parce que je file VRAIMENT pas.
Mais en même temps, j’ai glissé l’information sur l’anévrisme de l’aorte et la pneumonie, sans toutefois lui dire « je veux que vous vérifiez mon aorte, mon coeur et mes poumons ». Je ne lui ai pas dit quoi faire, je suis restée respectueuse, polie et humble. Souriante et calme, aussi. En fait, je suis restée moi-même! J’ai simplement évité de faire étalage de mes connaissances et de prendre les choses en charge, puisque ce n’est pas ma place.
Et le résultat a été qu’on m’a traité avec respect et politesse, avec le sourire, et qu’on a vérifié tout ce que je voulais qu’on vérifie, et même plus!
Un autre exemple : il y a quelques mois, le Regroupement Québécois des maladies orphelines a publié un petit bijou de document sur le syndrome d’Ehlers-Danlos, et j’ai pensé l’amener à mon interniste. Elle est déjà celle de mes médecins qui connaît le mieux le SED, mais j’ai pensé qu’elle aimerait peut-être le lire. J’ai sorti le feuillet et je lui ai présenté en disant, justement, qu’elle n’était pas celle qui en avait besoin, mais qu’elle pourrait trouver la lecture intéressante, et surtout, qu’elle pourrait peut-être le faire circuler parmi ses collègues.
Ainsi, je ne laissais pas entendre qu’elle manquait d’éducation… 😉
Mais elle était très heureuse, a pris le feuillet avec enthousiasme et l’a tout de suite ouvert et mis de côté (clairement pas pour le jeter!) et m’a dit qu’elle adorait pouvoir en apprendre plus et de ne jamais hésiter à lui apporter de tels doucments.
Tout est dans la présentation! 🙂
Attention : je ne suggère pas du tout de mentir, ni de faire semblant, ou rien du genre.
Si le médecin ne vous prend pas au sérieux ou si vous n’êtes pas du tout d’accord avec ce qu’il dit, ce n’est pas un dieu : faites-lui part de votre désaccord (avec respect!). Si vous ne dites rien et sortez du bureau, vous allez regretter! Vous pourriez être surpris, peut-être parviendrez-vous à le convaincre! Mais sinon, au moins, vous aurez pris votre santé en mains. Si vous ne faites rien, vous devrez de toute façon aller chercher un second avis, puisque vous ne serez pas satisfait!
Et si le médecin ne vous respecte pas et est impoli, laissez tomber.
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