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Se ménager 2


Drette-à, tu-suite, maintenant… je suis à terre.
Je suis pas assise dans mon LaZboy, j’y suis étalée comme du fromage fondu.
C’est littéralement pénible d’écrire, à tous les niveaux. Mes bras sont lourds, mes yeux se ferment, et j’ai le cerveau dans la ouate.

Pourtant, j’ai décidé d’écrire. J’aurais pu juste prendre l’idée en note, vite, vite, et écrire plus tard. Mais je pense que ce sera plus « facile » d’avoir les exemples, les concepts (de perdre le fil, aussi…), de rendre par écrit comme je me sens. Quand même difficile à décrire, et difficile à l’écrire, physiquement… mais ça vaudra la peine, j’en suis sûre.

J’avais déjà l’idée d’écrire cet article, encore plus motivée suite aux mésaventures de ma fidèle lectrice et amie de longue date, Julie… mais le réveil pénible de ce matin me pousse à devancer l’écriture à tu-suite. ;o)

Quand on est atteint de certaines maladies chroniques, on dit souvent qu’on doit se ménager. Y aller à son rythme. Doser son énergie, ou ses efforts. (je dis « certaines » maladies, parce qu’il y en a pour qui ça ne change rien, évidemment).

Pour beaucoup de personnes en santé, quand elles entendent ce genre d’expression, elles entendent plutôt « s’écouter ». Pas dans le sens « écouter son corps de façon saine » et « savoir ne pas dépasser ses limites », mais dans le sens « paresse », dans le sens « s’arrêter au moindre bobo », surtout dans un monde où dépasser ses limites est à la mode!

Ces personnes qui méprisent le malade chronique qui dit qu’il doit se limiter aujourd’hui pour ne pas « payer » demain, qui ne comprennent pas qu’on va se priver d’une activité, même plaisante, par crainte d’une crise plus tard… n’ont jamais passé une demi-heure couché sur le plancher de leur cuisine le lendemain d’un souper de famille, n’ont jamais passé plusieurs journées alitées après avoir fait « trop » de tâches ménagères en une seule journée, n’ont jamais dû utiliser de chaise roulante après avoir décidé d’aller au cours de danse malgré une crise d’arthrose et des blessures. Et j’en passe.

Ces personnes qui ne comprennent pas, elles ne s’arrêtent pas pour se demander, si, vraiment, on s’écoute trop, si, vraiment, on exagère… ou si, peut-être, tout simplement, on a fini par comprendre.

Le pire, c’est que, même après 10 ans avec le syndrome d’Ehlers-Danlos, il y a encore des moments où je me fais avoir!!!
Comme hier.

Je fais une bronchite, je suis en plein milieu de mon traitement d’antibiotiques. Même une personne en santé n’en mènerait pas large. Mais je ne suis PAS une personne en santé.
Hier, je sentais que je commençais à aller mieux, j’étais capable de rester debout pendant quelques minutes, j’étais plus forte.
Alors quand les déménageurs sont venus chercher le piano qu’on a enfin vendu, je ne suis pas restée dans mon studio, je suis restée avec mon père dans le salon à les regarder faire, debout. Pendant une vingtaine de minutes.
Puis, quand j’ai senti un courant d’air froid dans mon studio, je me suis promenée pour essayer d’en trouver l’origine. J’ai été chercher mon père dans la maison pour qu’il m’aide… et quand il a décidé de colmater les brèches, j’étais incapable de juste m’assoir à le regarder faire. Je le suivais, je m’assoyais, je me relevais, j’allais lui chercher un linge, etc. Pendant une bonne heure!
Évidemment, après ça j’ai eu une faiblesse. Heureusement, j’ai pu me rendre au LaZboy en m’appuyant sur ma mère… deux heures plus tard, j’étais à nouveau capable de marcher… alors j’ai aidé à faire le souper. Après tout, c’était une recette que j’avais moi-même décidé de faire, je n’étais pas pour laisser ma mère s’en occuper toute seule!

Cependant, comme j’avais passé une nuit presque blanche la veille à cause d’une crise d’arthrose, avec tout le reste… à 20h je dormais.
J’ai dormi presque 12 heures.

Et ce matin en me levant… je faisais de l’arythmie cardiaque, j’étais très faible et je m’endors atrocement. Mais j’évite de retourner dans mon lit, parce qu’après 12 heures, déjà, mes articulations se plaignaient beaucoup! (c’est atroce pour mes jambes et mes hanches)

C’est un bel exemple que, quand j’en fais « trop », je paie. Et que ce « trop » est variable… et n’est vraiment rien.

Il y a quelques semaines, j’étais tout énervée d’être arrivée à faire quelques brassées de lavage, cuisiner pendant 2-3 heures, prendre ma douche et travailler assise à l’ordinateur (mais rien qui ne demandait de la concentration). Un tel niveau d’énergie est rare chez moi. Et ce sont des choses qu’une personne en pleine forme fait en plus de sa journée de travail!

Une belle explication de notre situation, de malade chronique, est la théorie des cuillers, que je vais publier dans une page sur ce blogue immédiatement après cet article. Bonne lecture!

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2 commentaires sur “Se ménager

  • Julie F.

    Oh lalala! Ton amie de longue date:) se retrouve dans tout ce que tu écris, mais maudit que c’est difficile que d’apprendre à doser et comme tu le dis si bien, doser comment puisqu’aucune journée ne se ressemble. Chaque matin est une nouvelle réalité. Quand on a connu la vie  »non malade » et ensuite  »malade », c’est toute une adaptation et toute une acceptation. Combien de fois on se sent d’aucune utilité? Et enfin se présente une journée de temps à autre pour je ne sais trop quelle raison, on a plus d’énergie… On est quand même pas pour la manquer hahaha!!! Enfin, je ne suis pas malade depuis aussi longtemps que toi certe, mais parfois, même si je suis consciente du  »je paierai pour après », je profite de ce moment au maximum, question de me sentir encore en vie l’espace d’un instant. Mais il est tout à fait vrai que cette conception est difficile à envisager pour quelqu’un qui ne partage pas son quotidien avec  »la maladie » et sa chronicité, sa permanence…

    Merci encore pour cet article. J’espère que le fait que je commente régulièrement ne t’ennuie pas trop, mais tes articles me porte à réflexion et je les partage avec toi 🙂

    Julie