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Moment de grosse déprime 4


Hier soir je me suis endormie en pleurant. En pleurant comme j’avais pas pleuré depuis longtemps.

Je me suis demandé si je devais en parler ou pas.
Quand j’ai commencé le blogue, je voulais que les gens qui n’y comprennent rien, comprennent mieux. Sensibiliser à ce qu’est ma vie avec le syndrome d’Ehlers-Danlos, c’est ça qui est écrit en haut de la page. Et donc… oui, ça fait partie de ma vie, alors je dois en parler.
…mais y a tellement de gens qui me disent que je les inspire, que je leur donne du courage… et parmi ceux que j’essaie de sensibiliser, parmi mon entourage, on me dit tellement que « c’est donc incroyable que je passe au travers tout ça en gardant mon courage et mon sourire »… que j’hésite à partager ces moments de détresse.

Mais je reviens toujours à cette règle que je me suis donné : ne pas me censurer.

Une des raisons qui fait que je reste positive… c’est que les gens ne savent déjà pas comment réagir avec ma situation… si j’étais déprimée en plus, ils sauraient encore moins quoi faire!
Ça me servirait à quoi de pleurer en public, de partager ces moments de déprime?

Bien sûr, LÀ, je le partage… parce que je réalise qu’il ne faudrait pas que les gens pensent que malgré toute cette merde, mon monde intérieur est toujours au beau fixe, lunettes roses et arc-en-ciels!
Parce qu’un moment donné… au-delà de l’inspiration, ça pourrait donner l’impression que c’est normal et un idéal à atteindre, alors que c’est pas réaliste.

Quand on me dit, justement, à quel point c’est inspirant de me voir garder le moral malgré tout, je réplique toujours que, si c’est ce qui fait que je suis encore ici… j’ai quand même mes moments de découragement. Mes mauvaises journées.

Mais je ne me laisse pas souvent le droit de les avoir. Et de moins en moins.

Un peu à cause de ce blogue, de mon nouveau rôle de modératrice sur RareConnect et du rôle que j’ai à d’autres endroits aussi, de « mentor »… c’est beaucoup dans ma tête et je ne dis pas que les gens s’attendent à ce que je sois parfaite! Mais quand on se fait dire qu’on inspire les gens, quand d’autres personnes atteintes de maladies chroniques regardent vers nous pour s’encourager… on se dit que ce serait bien ironique d’encourager tout le monde pour ensuite se rouler en boule et déprimer!

Et puis, on s’y fait avec le temps, jusqu’à un certain point… j’avais beaucoup plus de moments de déprime quand c’était nouveau, quand je devais apprendre à vivre avec ma nouvelle réalité. Maintenant, à moins de m’arrêter à y réfléchir, ou de vivre un nouveau revers, ça va!
C’est aussi un peu comme ce truc psychologique: si on se force à sourire, qu’on écoute de la musique joyeuse et ainsi de suite, même si on est très triste, on va se sentir mieux… et inversement, même si on est heureux, si on fronce les sourcils et qu’on écoute de la musique déprimante et tout… on va finir par se sentir moins bien… alors j’ai peur que si je m’attarde sur mes émotions négatives, ce sera un puit sans fond… donc je ne le fais pas.

Je n’ai pas, non plus, jamais été une personne du genre à se laisser aller à une émotion négative pour longtemps… je n’en ai jamais été capable même quand je l’aurais voulu, je ne suis simplement pas faite comme ça. Si j’ai de mes ex qui me lisent, désolée les gars mais je n’ai pas passé des semaines à pleurer sur vous. 😉
Quand j’ai vécu des deuils, comme celui d’un membre de ma famille il y a un peu plus de 3 ans… je l’ai pleuré… en fait je le pleure souvent; j’en ai parlé la semaine dernière et j’ai pleuré encore… je pense souvent à lui et il me manque… mais quand il est mort je n’ai pas passé de longues semaines déprimée, incapable de sourire, de rire ou de danser, de vivre! Je me sentais presque sans coeur de le faire, et j’avais le coeur lourd… le sourire ou le rire ne venaient pas aussi facilement, bien sûr… mais ils venaient.

J’imagine que c’est ce qui fait ma résilience, et ce qui fait que je suis, effectivement, encore là.

Pourquoi hier c’était plus dur?
Je ne peux pas mettre le doigt sur LA raison. J’ai eu d’autres journées difficiles, d’autres réflexions déprimantes.
Mais hier c’était, du moins en partie… l’accumulation du crash du syndrome d’Ehlers-Danlos, de la costochondrite et du rhume. Aucun des problèmes ne méritait plus d’un 5/10 sur l’échelle de douleur (ou d’importance des symptômes)… mais ensemble, c’était suffisant pour me clouer au fauteuil inclinable, assez pour que je puisse à peine me faire une omelette pour souper, et pour que je doive m’étendre, à bout de souffle, le temps qu’elle cuise.

Je me suis mise à réfléchir sur les médicaments, en soirée… sur le fait que je faisais attention dans mes choix pour ne pas avoir trop d’effets secondaires au niveau de… comment dire… ma lucidité? Ne pas voir trop d’éléphants roses, quoi… Et je me suis dit que je me donnais du trouble pour rien, parce que je pourrais devenir une droguée totale et ça ne changerait absolument rien!
Après tout… pas d’emploi à perdre, très peu de sorties à rater, combien de fois je conduis, de toute façon? (non, je ne vise pas l’enfer de la drogue; c’était rhétorique)
…et c’est là, je pense, que ça a cassé.

J’ai très rarement le questionnement du « pourquoi moi? ». Quand ça me prend, c’est par exemple quand je vois quelqu’un de très désagréable, ou qui « ne le mérite pas » (tsé, le tueur d’enfant…) qui est pétant de santé… Mais sincèrement, c’est assez rare. La vie est injuste, je le sais, et y a pire.

Par contre, c’est le « pourquoi continuer? » qui se pointe parfois, et que j’essaie de fuir, parce que quand je m’y attarde… c’est dangereux.Il est beaucoup mieux pour moi de ne pas me poser la question de mon avenir.

Je me bats, je continue, parce que j’ai espoir qu’un jour ce soit mieux… pour les bons moments… et pour les gens qui tiennent à moi.

Mais hier, j’ai eu un de ces moments, je me suis permis de pleurer sur mon cas.
Je le fais rarement… je le disais…

Alors oui. Je braillais. À en étouffer.
Parce que je regardais les (presque) 10 dernières années, et les 10 prochaines… et je ne voyais pas grand changement, ou juste vers le pire.
Pas d’endroit à moi. Pas d’argent. Pas d’emploi. Pas de conjoint. De plus en plus de symptômes et de douleur. De plus en plus de médicaments. De moins en moins de capacités. Et ainsi de suite.

Je ne dis pas que c’était nécessairement un raisonnement logique ou juste, ni réaliste. Mais c’était ce que je voyais. Noir. Rien que du noir.

Puis je me suis mise à me demander si ça valait la peine de continuer… je me suis posé la question…
Et le ridicule de la situation m’a frappé: y a pas 24 heures j’avais peur de mourir à cause de mon coeur… et là c’est ce que je voudrais?

Alors je suis partie à rire… et je n’ai plus pleuré. 🙂

Et je me suis dit que c’était de là que venait ma résilience… Et j’ai fini par dormir.
J’ai toujours dit que sans humour je serais morte aujourd’hui. Ce ne sont pas des paroles en l’air.

Et aujourd’hui j’ai pu prendre mes antidouleurs pour ma costochondrite, parce que les symptômes du rhume étaient moins pires (sinon c’étaient des Tylenols avec codéine, pour rendre le tout tolérable)… même si curieusement mon mal de gorge était pire… et je me sentais beaucoup mieux, à tous les niveaux… j’ai pu faire 2-3 trucs et même aller à l’épicerie avec ma mère!

Pour le reste… j’essaie de ne pas y penser.

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4 commentaires sur “Moment de grosse déprime

  • Flepi

    Arf on a tous des moments de déprime, où on pleure avant de se dire que finalement c’est pas si terrible et/ou c’est idiot… ça fait partie je pense de notre chemin, malgré tous on reste humain même si avec nos orthèses et autres on ressemble à robocop :p
    Beaucoup de courage à toi et merci de nous faire partager aussi ces moments-là, c’est important 😉

  • glutencie

    T’as raison de le partager aussi. C’est quoi qui m’a encouragé à partager autant le + que le – sur mon blog… Et puis des fois, juste de l’écrire/ en parler, on se sent mieux. Tu peux me parler à moi, ça ne m’enlèvera pas l’idée que tu es une personne de nature positive. Une journée d’écoeurantite, c’est normal. Et les dernières semaines ont été difficiles alors oui, t’as le droit à ton petit down. Mais n’oublie pas que ça ne veut pas dire que le reste va être pareil. Tu vas p-e découvrir LE médicament, ou la science va avancer et y’a rien qui dit que tu rencontreras pas un super mec full cash qui va t’emmener vivre dans son manoir avec un tas d’employés juste là pour te rendre la vie plus douce!!!

  • Julie F.

    Merci de partager ce moment difficile. Il est bien vrai que tu es une inspiration pour plusieurs d’entre nous, mais le fait que tu passe aussi par des journées plus difficiles nous permette de nous accepter nous aussi avec nos petits down passages. Tu ne parait pas moins forte, ni moins positive, mais simplement humaine. JE crois aussi qu’il ne faut pas se laisser allez à la déprime, mais il faut pouvoir se permettre de vivre nos émotions de temps à autres. Liquider le trop pleins d’idées négatives laisse par la suite plus de place pour le remplir par la suite de positif.

    Si tu as envie de jaser, je suis là.

    Biz Julie xx

  • Annie-Danielle Grenier Auteur du billet

    Merci les filles!
    J’ai pas écrit ce post pour recevoir des tapes dans le dos… mais vos encouragements font beaucoup de bien quand même 🙂
    Et Anyck, le truc du « super mec full cash », je le ris encore 😉