Un des trucs qui me fâche le plus avec le syndrome d’Ehlers-Danlos, c’est la perte de mes facultés cognitives : avoir de la difficulté à me concentrer, et donc à apprendre de nouvelles choses, la mémoire à court terme qui flanche, la difficulté à lire ou à écrire (ça paraît pas, mais écrire ceci de façon lisible me prend un temps fou!) et tout ça.
En fait, la plupart de mes facultés elles-mêmes sont intactes… je ne suis pas devenue imbécile. Je n’ai pas perdu mes connaissances, ni rien. Mais elles sont plus difficiles d’accès, je suis plus lente… donnez-moi un examen à choix de réponses, du temps, et la possibilité de prendre des pauses, et j’aurais probablement les mêmes résultats qu’à mon baccalauréat. …et tomberais de fatigue ensuite! 😉
Mais ne me demandez surtout pas de retrouver ces concepts qui semblent enfouis profondément dans un fouillis incompréhensible, quelque part au fond de mon cerveau.
Je suis sûre d’en avoir déjà parlé : il m’arrive extrêmement souvent d’avoir ce manque du mot, où seule la première lettre m’est accessible. Et contrairement à ce manque du mot normal que j’avais avant, comme tout le monde, où 2 fois sur 3, cette fameuse lettre qu’on a sur le bout de la langue n’a finalement rien à voir (« oui oui! c’est… ça commence par J, j’en suis sûre! …ah non, tiens, finalement c’est Du côté de chez Swann, le titre du livre… »), maintenant la fameuse lettre qui m’est « visible » est invariablement la bonne. Et pas nécessairement la plus évidente (la première lettre du prénom d’un écrivain, plutôt que le nom de famille!); ça ne m’arrive pas que pour le nom de cet acteur de film, ou du titre de cette chanson… mais aussi pour le nom de cet objet, là… oui, c’est ça, une table!… et le nom de famille de mon amie d’enfance… et le titre d’emploi que j’occupais… alouette.
Le pire c’est quand tu butes sur un mot, puis sur ceux que tu cherches dans le but d’expliquer le mot que tu ne trouves pas! « Le… le… ah zut, ben attends, je vais l’expliquer autrement, c’est ce truc qu’on utilise pour faire la… ah nooooon! » Super pratique.
Plus je suis fatiguée, pire c’est. Évidemment, si on ajoute la douleur, pire c’est aussi.
Mais où je veux en venir, c’est comment je me sens dans ces circonstances.
Quand je discute de la pluie et du beau temps avec quelqu’un que je connais bien, surtout quelqu’un qui me connaissait « avant », c’est frustrant de ne pas trouver mes mots, surtout quand ça se répète beaucoup… mais je sais qu’ils savent que c’est causé par la maladie, et ils sont habitués, et tout. Si je parle avec quelqu’un de bilingue, c’est encore mieux : j’ai une 2e banque de mots en prime dans laquelle plonger!
Par contre, arrive une discussion plus houleuse, voire carrément une chicane, et on ajoute en prime l’émotion, et j’en perds encore plus mes moyens… et c’est la catastrophe!
Non seulement je ne trouve pas les mots dont j’ai besoin, mais parfois ce sont les mauvais qui sortent, et je bafouille!
Très difficile de quitter en « claquant la porte » si on vient de bafouiller le contraire de ce qu’on pense, en inversant les mots!!!
Encore plus grave quand, dans une discussion sur un sujet délicat, où on ne voudrait surtout pas blesser ou fâcher l’autre, et qu’il faut soigneusement choisir ses mots… et qu’on ne les trouve simplement pas!!! Quand, dans la situation normale, il serait déjà difficile de s’exprimer, on ajoute ça en plus…
Ou encore, l’autre se fâche, car on vient de lui dire exactement ce qu’il ne veut pas entendre… on vient de le contredire! …alors qu’on essayait seulement de dire « je suis d’accord »… mais c’est le contraire qui est sorti. Ou l’autre aura pris notre bafouillement pour une preuve d’incertitude, ou quoi encore.
…Je veux dire quoi par « dire le contraire »? Par exemple, carrément, penser « bleu » et dire « rouge ». Penser « Je suis d’accord » mais dire « Je suis pas d’accord ». Ou mélanger deux mots, comme dire « saloir »… « salut/aurevoir ».
Et évidemment, il y a aussi ces situations où je suis avec des gens qui ne me connaissent pas, ou pas encore bien… qui eux ont simplement l’impression que je bafouille beaucoup… si on discute d’un sujet plus pointu : que je n’y connais rien, que je parle à travers mon chapeau… après tout, je confonds tout, disant une chose puis bafouillant que « c’est pas ce que je voulais dire » et me corrigeant en disant le contraire!
J’ai l’air plutôt stupide, j’imagine. Je me SENS stupide, en tout cas.
Pareillement pour l’anglais.
Je suis parfaitement bilingue. Mais quelqu’un qui ne me connaît pas bien et m’entend bafouiller en anglais pense assurément que je ne maîtrise simplement pas la langue, et que je m’enfarge ainsi parce que je suis francophone.
On s’en fout! me direz-vous. Bien sûr… mais non. Parce que ça m’enrage de bafouiller, en anglais comme en français. Parce que j’étais fière de maîtriser une 2e langue de cette façon.
De la même façon je suis frustrée de ne presque plus être capable de parler le peu d’espagnol que je maîtrisais, puisqu’il n’y a pas de « choix de réponses ». C’est uniquement du rappel et je n’y arrive pas. Je comprends, mais parler est très difficile.
Alors… j’essaie de ne pas m’en faire. Mais je n’y arrive pas vraiment.
Ah ah je connais ça aussi 😉 inverser deux mots dans une phrase qui du coup prêter à rire alors que c’était sérieux… inverser des lettres (le fameux « chorton »…) ou carrément oublier des mots et d’un coup
Oh oui on se sent stupide complètement idiote… et le regard des gens ne nous aide vraiment pas…
Pour ma part j’évite au possible de discuter avec les gens que je ne connais pas trop… Mais parfois on a pas le choix 😉
Merci d’avoir exprimé aussi clairement nos bafouilles :p
drie. euh, de tout. euh, ça fait plaisir. 😉