© Nataka/Photos.com

La ballerine empotée 2


Ouais… ballerine c’est un peu exagéré… J’ai fait du ballet classique pendant une dizaine d’années, de mon enfance à mon adolescence. J’ai fait quelques classes de ballet par la suite, ici et là, mais on ne pourrait vraiment pas me qualifier de «ballerine»… Cependant, si j’utilisais le terme de «danseuse»… eh bien j’aurais peur que l’image de «danseuse de bar» s’impose aux esprits mal tournés… (non mais, dans quel monde vit-on?!). 😉

J’ai dansé, sérieusement, intensément, pendant une quinzaine d’années. De l’enfance à la fin de l’adolescence.
Parfois plus de 15 heures par semaine. La danse, c’est ma passion!
Comme j’ai déjà raconté, au début des années 2000, un rhumatologue m’a dit que je devais cesser, parce que si je continuais je me retrouverais en chaise roulante avant l’âge de 30 ans, à cause de l’usure prématurée de mes articulations.

Quelques années plus tard, j’ai décidé de recommencer, même si mon physiatre et d’autres médecins ont confirmé que c’était à peu près la pire chose à faire pour une personne hypermobile. Et pourtant, on retrouve beaucoup d’hypermobiles dans le milieu de la danse! Contrairement à la croyance populaire, je ne crois pas que ce soit à cause de notre supposée grande flexibilité… Quoi, je dis «supposée»? Est-ce que je ne me tue pas à expliquer depuis des semaines que je suis hyperlaxe?
Oui… mais pas nécessairement dans le sens utile à une danseuse!!!
Oui, j’ai une superbe 5e position (les pieds vers l’extérieur). Oui, je touche facilement le plancher sans plier les genoux. J’ai un beau «pointé»: une belle extension des pieds et des chevilles.
Mais je dois travailler autant qu’une autre danseuse avec une flexibilité normale pour la plupart des mouvements, comme le grand écart. Cette flexibilité, elle est dans les muscles, pas dans les ligaments.
Mon hyperextension, elle est au niveau des articulations, pas des muscles longs!
Elle me permet de faire des mouvements impressionnants, comme me déboîter les hanches et passer du grand écart de face à la planche (enfin… je le faisais il y a 15 ans…).
Mais mes chevilles bloquent en flexion et en même temps leur hypermobilité m’empêche d’avoir une bonne stabilité… donc j’ai de la difficulté à maintenir mon équilibre et j’ai toujours eu de la difficulté à travailler en pointes.
Mes épaules, coudes et poignets trop faibles m’empêchent de faire beaucoup de mouvements au sol ou en partenariat. Ou alors, j’ai pu les faire un certain temps, au début de l’adolescence… mais ça n’a pas duré.

Dois-je continuer?

Bref… on croirait que l’hypermobilité est un atout, mais ça ne l’est pas nécessairement.
Je crois que si tant d’hypermobiles dansent, c’est que ça soulage! Eh oui, souvent, les étirements nous font du bien… je sais que, pour ma part, je me sens en contrôle de mon corps, car la danse demande un contrôle, un travail de TOUT le corps, pas seulement d’une partie. Surtout si on parle de ballet classique! Et les étirements font craquer toutes nos petites articulations… je me sens souple à nouveau, quel soulagement!

…malheureusement, c’est aussi ce qui est mauvais. Tous les médecins qui connaissent un tant soit peu l’hypermobilité vous le diront : la pire chose à faire pour un hypermobile, ce sont des étirements! Parce que les ligaments sont déjà suffisamment étirés comme ça! Il nous faut éviter la danse, le pilates, tous ça. (évidemment, des sports comme le ski, le tennis, le jogging, c’est pas idéal non plus!).
Ce que ça prend, c’est de la musculation, renforcer les muscles autour des articulations… et c’est tout.
Oui, en danse, on peut augmenter sa musculature… mais pas assez… et on étire beaucoup trop en comparaison.
Cependant, beaucoup de spécialistes du syndrome d’Ehlers-Danlos, diront aussi qu’en général, on pourrait avoir, par exemple, les cuisses d’Arnold Schwarzenegger que ça n’y changerait rien… (et puis… comment faire de la musculature pour empêcher mes côtes de se déplacer? Ou le doigt de faire de l’hyperextension? Ça devient compliqué).

C’est ce qui fait que vers l’âge de 30 ans, comme j’avais déjà eu la «chance» d’avoir eu besoin d’une chaise roulante, qu’on m’avait déjà annoncé que mes genoux étaient finis et que j’avais vécu l’impossiblité de faire quoi que ce soit… j’ai décidé que si je pouvais danser, je danserais. J’avais vécu le deuil affreux de dire adieu à la danse alors que j’aurais encore pu danser quelques années (avant que mon SED se complique… on parle de 2-3 ans), j’ai passé des années clouée à mon lit, sofa ou chaise roulante à ne rien pouvoir faire et à pleurer mes années de danse… plus jamais je ne vivrais ça si j’avais le choix.

Évidemment, c’est plus facile à dire qu’à faire.
Quand on a des blessures un peu partout, des faiblesses, des crises d’arthroses régulièrement, et quoi encore… suivre des cours de danse réguliers c’est pas évident.
Malgré la complicité d’une amie de longue date, directrice d’un studio de danse, ça fait environ 3 ans que j’essaie, mais je n’ai jamais réussi à même faire une demi-session.
Je danse un peu à la maison. Même si ce n’est jamais aussi exaltant que de partager une classe avec les autres, aussi plaisant que les fous rires avec mes amies de danse, tard un jeudi soir… Mais c’est parfois moins frustrant qu’un cours une mauvaise journée, où je n’arrive pas à trouver mon équilibre, où je ne peux pas accomplir la moitié des exercices, où je dois me tenir le long du mur le temps que les autres font la partie de la chorégraphie que je ne peux pas faire… sans compter la douleur constante… car rien que me tenir debout dans la position de base est douloureux!

Mais bon, où est la ballerine empotée, dans tout ça?
C’est qu’on imagine qu’une fille qui danse depuis si longtemps est gracieuse. Non?
On imagine que je pourrais mettre mes bas en me tenant en équilibre debout sur un pied.
Bon, j’ai un peu gâché la surprise en disant que mes mauvaises chevilles me ruinaient mon équilibre… alors en effet, non, je n’arrive pas à me tenir sur un pied… ou si, parfois, une bonne journée, et avec beaucoup de concentration!

Mais surtout, en bon cas de syndrome d’Ehlers-Danlos que je suis, je suis empotée!
Je ne blague pas… un des critères diagnostic informel est «le signe de la porte»… autrement dit, le patient qui se cogne aux cadres de portes!

Et si j’ai pensé à écrire cet article ce matin, c’est que je viens, encore une fois, de m’y cogner! 🙂
Je suis entrée dans la salle de bains pour me brosser les dents, je me suis retournée pour sortir… et j’ai passé à deux doigts de me cogner le nez solide! Heureusement j’ai eu le réflexe de repousser le cadre de porte avec la main (oui, il m’attaquait, alors je l’ai repoussé!). Mais qui a déplacé le cadre de porte pendant que je me brossais les dents?!

Ça m’arrive plusieurs fois par jour.
Parfois j’ouvre la porte SUR MOI. J’évalue mal la distance entre mon bras et la porte, alors je me cogne la porte sur le coude, ou me la râpe carrément sur tout l’avant-bras… honnêtement, j’essaie, là, en écrivant, d’imaginer comment j’y arrive… et je ne vois pas… ça défie l’imagination!

Ce n’est pas toujours frappant (sans vouloir faire de jeu de mot!). Ma mère, même, sur le coup, me disait «j’ai jamais remarqué ça!»… par contre, après que je lui en aie parlé… elle a admis qu’en effet, je me cognais plutôt régulièrement… et ça c’est en sa présence! C’est souvent juste une mauvaise évaluation d’un centre du cadre de porte et de mon corps… un peu comme une personne saoûle… je me frotte ou me cogne légèrement d’un côté. C’est pour cela qu’on ne le remarque pas trop à moins d’y porter attention…

En fait, c’est qu’il semble que notre proprioception (savoir où est son corps dans l’espace) serait un peu déréglé, chez nous les personnes atteintes du syndrome d’Ehlers-Danlos, probablement à cause de ce défaut du collagène… les articulations ne réagissant pas normalement… quelque chose comme ça.
Ce qui est très mauvais quand il faudrait, au contraire, qu’on soit très prudents de ne pas se cogner et de ne jamais placer un pied où il ne faudrait pas, puisque souvent c’est un «faux mouvement» du genre qui amène une blessure!

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2 commentaires sur “La ballerine empotée

  • Mylenewf

    Je ne sais pas par où commencer pour ce commentaire! À la vie est dure…
    Bref, de savoir ce qu’un cours de danse t’apporte et ce que tu ressens pendant un cours me touche beaucoup. Je te vois encore sur le côté du mur pendant que nous faisions une partie au sol après le lift… Wow c’est fou comme tu ne laisse rien paraître! En me mettant à ta place, la frustration m’emporte. Malgré les pas que tu devais éviter, j’ai toujours trouvé que tu faisais un excellent travail! (Aw tes Footundeez rose à pois hahah)

    Pour ce qui est du cadre de porte… Moi je rencontre TRÈS souvent les miens dans mon petit appartement! Je me trouve tellement ridicule. Maude et même mes chats ne comprennent pas pourquoi je ne suis pas capable de viser à côté. Certaines personnes disent que c’est à cause de mon astigmatisme. Ce que j’en pense? Mon corps est simplement trop paresseux pour ce tasser au bon moment ou comme tu dirais ils m’attaquent, je ni peux rien!
    Il m’arrive aussi, trop souvent, de foncer dans mes chats ou dans tout ce qui pourrait ce trouver sur mon chemin; tables, bibliothèques, sacs et des personnes!

    Sur ce, continuons notre bataille contre les cadres de portes! (On devrais penser à les boycotter. Tu en penses quoi? 🙂 )

    Mylène

    • Dan

      Mmmm, boycotter les cadres de porte… intéressant! Mais boycotter les chats et les meubles, ça devient difficile! 🙂
      Si ça coûtait pas si cher, je rembourrerais au moins les cadres de porte! 😉