Ceci est un texte merveilleux que j’ai trouvé en ligne (via FB je crois bien) il y a quelques semaines.
Il date de 2010 mais sera toujours d’actualité.
C’est un médecin qui écrit aux patients atteints de maladie chronique; la perspective inversée, quoi!
Et je suis très heureuse parce qu’il confirme exactement ce que je disais dans mes posts sur l’ignorance des médecins!
Voici le texte, tel que je l’ai traduit:
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Chers patients:
Votre vie est difficile, beaucoup plus difficile que la plupart des gens ne le comprennent. Après avoir passé 16 ans à écouter vos histoires, voir la fatigue dans vos yeux, vous entendre essayer de décrire l’indescriptible, j’ai fini par comprendre que moi non plus je ne pouvais pas comprendre ce que sont vos vies.
Comment répondez-vous à la question “comment ça va?” quand vous avez oublié c’est quoi se sentir “normal”? Comment faites-vous face à tous ces gens qui pensent que vous exagérez votre douleur, vos émotions, votre épuisement? Comment décidez-vous quand les croire ou quand faire confiance à votre propre corps? Comment arrivez-vous à vivre une vie qui ne vous laisse pas oublier votre fragilité, vos limites, votre mortalité?
Je ne peux pas l’imaginer.
Mais je vous apporte une chose que vous ne savez peut-être pas. J’ai de l’information que vous ne pouvez pas vraiment comprendre à cause de votre perspective unique, de votre monde malmené. Il y a une chose que vous devez comprendre et qui, sans enlever votre douleur, soulager votre épuisement ou remonter votre moral, vous aidera. C’est l’information sans laquelle vous aurez encore plus de douleur que nécessaire; c’est une vérité qui est une clé pour obtenir l’aide dont vous avez besoin plus facilement que par le passé. Ça ne semble pas important, mais croyez-moi, ça l’est.
Vous faites peur aux médecins.
Non, je ne parle pas de la peur de la maladie, de la douleur ou de la mort. Je ne parle pas de médecins qui ont peur des limites de leurs connaissances. Je parle de votre connaissance d’un fait que tout le monde sauf vous semble rater, un fait que tous les médecins essaient de cacher : nous sommes des gens normaux, faillibles, qui s’adonnent à faire le métier de médecin. Nous ne sommes pas spéciaux. En fait, beaucoup d’entre nous sommes très insécures et voulons ressentir la confirmation des gens qui vont mieux, recevoir les louanges de ceux qu’on aide. On veut guérir les maladies, sauver des vies, être la main qui soigne, la bonne personne au bon endroit au bon moment.
Mais les maladies chroniques sans solution se placent sur notre chemin. Vous n’allez pas mieux, et ça frustre beaucoup d’entre nous, et certains se fâchent même contre vous. Nous ne voulons pas faire face aux choses que nous ne pouvons pas régler parce que ça montre nos limites. Nous voulons les miracles et vous nous refusez cette chance.
Et puisque c’est cette perspective que vous avez quand vous voyez les médecins, votre vision d’eux est assez différente. Vous nous voyez en train de nous frustrer. Vous nous voyez quand on a envie d’abandonner. Quand on prend soin de vous, on doit laisser derrière nous cette illusion de contrôle, de puissance sur la maladie. On se fâche, on se sent insécure et on veut passer à un patient qu’on peut réparer, sauver ou impressionner. Vous êtes le rocher qui prouve à quel point le bateau peut être coulé facilement. Alors votre vision des médecins est très différente.
Puis il y a le fait que vous possédez aussi une chose qui est habituellement notre domaine : la connaissance. Vous en savez plus sur votre maladie que beaucoup d’entre nous – que la plupart d’entre nous. Votre sclérose en plaques, votre arthrite rhumatoïde, votre syndrome d’Ehlers-Danlos, votre trouble bipolaire, votre trouble de douleur chronique, votre diabète ou votre trouble psychiatrique handicapant – la douleur qui vous définit – est quelque chose que la plupart d’entre nous ne rencontrons pas régulièrement. C’est quelque chose que la plupart d’entre nous essayons d’éviter. Alors vous possédez une compréhension profonde de quelque chose que beaucoup de médecins ne possèdent pas du tout. Même les médecins qui se spécialisent dans votre maladie ne partagent pas le même type de connaissance que vous pouvez seulement avoir en vivant avec une maladie. C’est comme la connaissance qu’a un parent de son enfant versus celle d’un pédiatre. Ils peuvent avoir tout un éventail de connaissances, mais vous avez une profondeur de connaissance qu’aucun médecin ne possède.
Alors quand vous approchez un médecin – surtout un que vous n’avez jamais rencontré avant – vous arrivez avec une connaissance de votre maladie qu’il n’a pas, et une connaissance des limitations du médecin que peu d’autres patients ont. Voyez-vous pourquoi vous effrayez les médecins? Ce n’est pas de votre faute si c’est le cas, mais d’ignorer ce fait limitera l’aide que vous pourrez obtenir d’eux. Je le sais parce que, tout comme vous connaissez votre maladie mieux que n’importe quel médecin, je sais ce qu’on ressent à être un médecin mieux que n’importe quel patient ne pourrait le comprendre. Vous croisez des médecins de façon intermittente (plus que vous le souhaitez, peut-être); je vis comme un médecin continuellement.
Alors laissez-moi être assez franc pour vous donner mon avis sur la façon de traiter avec les médecins. Il y a des choses que vous pouvez faire pour rendre les choses plus faciles, et d’autres qui peuvent saboter tout espoir d’une bonne relation:
Ne soyez pas trop agressif – oui, vous devez défendre vos intérêts, mais souvenez-vous que les médecins sont habitués à être en contrôle. Tous les autres patients entrent dans le bureau avec un respect immédiat, mais votre compréhension a brisé l’illusion du dieu-médecin. C’est une bonne chose au bout du compte, mais peu de médecins veulent être confrontés à cette réalité dès le départ. Votre but avec n’importe quel médecin est de construite un partenariat de confiance qui va dans les deux sens, et être trop agressif au départ peut ruiner vos chances d’obtenir cela un jour.
Montrez du respect – je fais attention en disant cela, parce qu’il y a certainement certains médecins qui ne traitent pas leurs patients avec respect – spécialement ceux comme vous avec une maladie chronique. Ces médecins devraient être évités. Mais la plupart d’entre nous ne sommes pas comme ça; on veut vraiment aider les gens et essayer de bien les traiter. Mais nous avons travaillé très fort pour obtenir notre position; elle ne nous a pas été conférée par décret ou héritage. Vous voulez être écoutés, nous aussi.
Gardez vos oeufs dans peu de paniers – trouvez un bon médecin de famille et quelques spécialistes auxquels vous faites confiance. Ne vous attendez pas à ce qu’un nouveau médecin comprenne les choses rapidement. Ça m’a pris des années de visites répétées pour vraiment comprendre plusieurs de mes patients avec des maladies chroniques. Les meilleurs soins se produisent quand un médecin comprend le patient et que le patient comprend le médecin. Cela peut seulement se produire avec le temps. Eh zut, j’ai même de la difficulté à voir les patients malades chroniques des autres médecins de ma pratique. Il y a quelque chose de très fort dans la compréhension construite avec le temps.
N’utilisez les urgences que lorsque c’est absolument nécessaire – Les médecins de salle d’urgence vont toujours avoir de la difficulté avec vous. N’attendez rien d’autre. Leur travail est seulement de déterminer si vous avez besoin d’être hospitalisé, si vous avez besoin de traitement d’urgence, ou si vous pouvez retourner à la maison. Ils risquent de ne pas soulager votre douleur et ne vont certainement pas essayer de vraiment vous comprendre. Ce n’est pas leur travail. Ils ont été dans cette spécialité pour régler des problèmes rapidement et passer à autre chose, pas pour gérer la maladie chronique. On peut dire la même chose de n’importe quel médecin que vous voyez pour une courte période: ils vont essayer d’en finir avec vous le plus rapidement possible.
N’évitez pas les médecins – une des choses les plus frustrantes pour moi est quand un patient compliqué vient me voir après une longue absence avec une énorme liste de problèmes qu’il veut que je règle. Je ne peux pas fonctionner comme ça, et je ne pense pas qu’aucun médecin le peut. Chaque visite ne devrait cibler que quelques problèmes à la fois, autrement les choses deviennent confuses et plus d’erreurs se produisent. C’est correct de garder une liste de vos propres problèmes pour ne pas que des choses soient oubliées – j’aime personnellement recevoir ces listes, tant que les gens ne s’attendent pas à ce que je m’occupe de tous les problèmes. Ça m’aide à les prioriser.
N’endurez pas les cons – à moins que vous n’ayez pas le choix (à l’urgence, par exemple), vous devriez continuer à chercher jusqu’à ce que vous trouviez le(s) bon(s) médecin(s) pour vous. Certains médecins ne sont pas faits pour la maladie chronique, alors que d’autres apprécient la relation à long terme. N’ayez pas l’impression que vous devez endurer des médecins qui n’écoutent pas ou minimisent vos problèmes. Au minimum, vous devriez pouvoir trouver un médecin qui n’est pas totalement pourri.
Pardonnez-nous – Parfois j’oublie certaines choses importantes de la vie de mes patients. Parfois je ne sais pas que vous avez eu une chirurgie ou que votre soeur est aussi ma patiente. Parfois j’évite des gens parce que je ne veux pas admettre mes propres limites. Soyez patients avec moi – Je sais habituellement quand j’ai fait une gaffe, et si vous me connaissez bien ça ne me dérangera pas d’être rappelé à l’ordre. Enfin, peut-être que ça va me déranger un peu.
Vous savez mieux que n’importe qui que les médecins sont juste des gens – avec toute la stupidité, l’incohérence et la faillibilité qui va avec – qui s’adonnent à avoir l’emploi de médecin. J’espère que ceci vous aidera, et j’espère vraiment que vous aurez l’aide dont vous avez besoin. C’est vraiment pourri que vous ayez votre problème; j’espère simplement que ceci réduira la pourritude un petit peu.
Sincèrement,
Dr. Rob
Musings of a Distracible Mind – Thoughts of an odd, but not harmful primary care physician
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Merci pour cette fameuse lettre qui reflète bien les difficultés qu’on rencontre chez le médecin.
je suis époustouflée par cette lettre et j’admire cette franchise, mais c’est vrai que pour la fibro et le sed cela a été un long errement avant d’être crue et aidée