Quand on est atteint d’une maladie chronique comme le syndrome d’Ehlers-Danlos, il y a souvent des moments où on a besoin de l’aide des autres.
Mais souvent aussi, pour plein de raisons (pas souvent les bonnes), on n’en veut pas.
J’entends d’ici les commentaires blagueurs de ceux qui disent « mais j’aimerais bien, moi, me faire servir! 😉 ».
Je suis sûre aussi qu’il y a vraiment des gens qui croient qu’on aime ça.
En fait… je sais qu’il y a des personnes qui sont tout à fait détestable quand elles sont dépendantes des autres, qui en profitent… que ce soit un état passager (après une opération, pendant une grosse grippe) ou permanent (une personne âgée en fin de vie par exemple). J’ai moi-même entendu des histoires… spéciales…
Ça dépend des caractères, c’est sûr.
Je parle de moi… mais je parle aussi au « on »… le « on » qui n’exclut pas la personne qui parle 😉 …parce que j’en connais beaucoup qui sont comme moi.
Je n’aime pas avoir besoin des autres. Je déteste ça. Je déteste dépendre des autres, demander de l’aide ou l’accepter.
Il y a l’égo. On passe son enfance à dire « je sais le faire! », on est fier de montrer à tous combien on est débrouillard… j’ai toujours été indépendante… et maintenant je devrais me montrer diminuée? Ouch.
Il y a la frustration et l’abandon qu’implique l’acceptation de l’aide d’une autre personne.
C’est frustrant de faire face au fait qu’on ne peut pas faire quelque chose soi-même. Il faut accepter qu’on a nos limites.
L’abandon, dans le sens qu’on doit laisser le contrôle à l’autre personne. À moins d’être ce tyran désagréable qui, en plus d’exiger l’aide, dicte comment elle doit être donnée… il faut accepter que les vêtements ne seront pas lavés de NOTRE façon, que la marque de jus achetée à l’épicerie risque de ne pas être la bonne, et ainsi de suite.
Et puis il y a le paraître et la gêne. Il faut souvent passer par-dessus les qu’en-dira-t-on et les « de quoi j’aurai l’air? ».
Il faut apprendre que notre bien-être doit passer avant ça. Et qu’au bout du compte c’est le plus important… et qu’on s’inquiète, de toute façon, probablement pour rien.
C’est un processus qui prend du temps. Ça m’a pris des années à apprendre, à évoluer là-dedans… et je n’ai pas fini.
Ça dépend et dépendra sûrement toujours des situations, des gens avec qui je suis.
J’ai un exemple concret à vous raconter :
La semaine dernière j’ai été voir un spectacle de musique avec 3 de mes amis.
J’ai conduit un peu plus d’une heure pour me rendre, puis nous avons marché, et mangé au resto.
C’était une bonne journée, la température était parfaite et je me sentais en confiance que ce serait une bonne soirée!
Par contre, en conduisant, une crise d’arthrose a commencé. Je me tortillais sur mon siège et j’avais tellement hâte d’arriver pour sortir de là, mes hanches, surtout, me tuaient. Mais je n’y pouvais rien.
La marche a été bénéfique, mais dès que je me suis assise au restaurant la douleur est revenue… je me suis demandé comment je survivrais aux heures à venir… je n’ai tout de même pas pris de médicament, de peur de provoquer une chute de pression ou des étourdissements. La douleur, j’arrivais à l’endurer et ne risquait pas de m’étaler sur le plancher.
Je n’aurais pas dû m’inquiéter de devoir endurer la douleur de rester assise longtemps : il n’y avait pas de chaises dans la salle de spectacle!
Quand j’ai vu ça, j’ai été inquiète! Surtout que même avec la salle au 2/3 vide, il faisait déjà chaud!
J’ai tout de suite été au bar me commander un « simili-Gatorade » (1/3 jus d’orange, 2/3 d’eau et beaucoup de sel)… j’ai eu la chance de tomber sur une barmaid très gentille 🙂
Puis on s’est installé sous un ventilateur… avec 45min à attendre avant le début du spectacle (c’était Groenland, en passant! Sublime!). Mais après seulement une quinzaine de minutes, malgré le drink-Gatorade… j’ai senti les premiers symptômes de pré-syncope.
Il y avait un banc le long du mur, mais rempli de gens.
Peu importe!
J’ai fait ni une ni deux, j’ai dit à mes amis « je dois aller m’assoir » puis j’ai marché (vite!) vers l’endroit le plus proche, j’ai dit à la fille qui était devant moi « excuse-moi, mais je dois vraiment m’assoir » elle a eu à peine le temps de se tasser et je m’y suis écrasée.
Ça ne semble pas grand chose… mais il y a peu de temps, j’aurais attendu d’être à deux doigts de l’évanouissement… et j’aurais espéré que quelqu’un me demande si j’allais bien et suggère d’aller dehors, ou déplace quelqu’un pour moi… ou j’aurais attendu de m’évanouir sur place (quoique… faire une scène étant encore plus gênant, probablement pas). Je me serais dirigée vers un coin pour m’assoir par terre, sans déranger personne. Peu importe que le plancher soit sale et que ce soit inconfortable.
L’idée de couper la conversation de mes amis, puis celle d’une inconnue, d’obliger l’inconnue à se déplacer pour moi, oh làlà! Nope, oubliez ça. Jamais je n’aurais osé.
Mais je l’ai fait.
Et plutôt que de m’évanouir, j’étais assise (…écrasée) presque confortablement.
Est-ce que mes amis m’en voulaient d’avoir interrompu leur conversation, ou me trouvaient bizarre? Pas du tout! (enfin, je ne crois pas, haha).
Ils étaient surtout inquiets et trouvaient que je faisais plutôt pitié, je pense.
Est-ce que l’inconnue que j’ai presque bousculée était fâchée contre moi et m’a trouvée mal élevée? Si oui, elle ne l’a pas du tout montré. Il faut dire que je crois que, malgré la noirceur ambiante, mon état était assez évident.
Elle a été très sympathique tout au long de la soirée.
Un de mes amis m’a suivi, m’a offert d’aller me chercher un autre « drink »…
Encore une fois, il n’y a pas si longtemps, j’aurais dit que, non merci, tout était correct. Pour ne pas déranger. Pour ne pas qu’il se sente obligé, et ainsi de suite…
Mais cette semaine, j’ai dit « oui, merci! »
Et j’étais très heureuse qu’il prenne soin de moi et m’offre de l’aide, parce que je savais que j’en avais besoin!
Je savais que ce 2e « simili-Gatorade » pouvait, en plus d’être assise, signifier ne pas m’évanouir, plutôt que l’amplification de mes symptômes. Et je n’aurais pas été en état d’aller chercher ça par moi-même.
La crise d’arthrose, elle n’est pas partie pour autant… j’avais tellement mal que j’avais les larmes aux yeux. J’étais très heureuse qu’il fasse si sombre. Et que la musique forte couvre mes gémissements. Mais pour ça, je ne pouvais rien faire… j’avais les anti-douleurs dans mon sac, mais je savais que dans mon état si j’en prenais je me retrouverais sur le plancher (ou couchée sur le banc!) et je n’avais rien à grignoter pour faire passer le médicament, et je ne tenais pas du tout à subir le mal d’estomac en prime. J’ai donc enduré sans rien dire.
Environ une heure plus tard, ce même ami m’a offert d’aller me chercher autre chose, et j’ai demandé un verre d’eau.
Dois-je ajouter qu’auparavant, j’aurais dit « non merci »?
Et peu après, il m’a demandé si j’avais besoin d’autre chose, et encore une fois, plutôt que de faire comme j’aurais fait avant, j’ai dit que, si ça ne lui dérangeait pas, des papiers mouillés pour me mettre sur la nuque seraient sûrement utiles.
Je commençais à me sentir mieux, mais j’étais encore faible.
Il m’a ramené les papiers, et ça a fait toute la différence!
Je me suis sentie revivre. Je suis passée d' »écrasée » sur le banc et en train de glisser sur le mur, à assise presque normalement!
J’ai eu la chance quelques minutes plus tard de changer de place et d’être assise sur une chaise-tabouret… sans toute l’aide de cet ami, je n’aurais pas été assez bien pour m’assoir là!
Et de cette chaise, je voyais aussi bien que n’importe qui dans la salle, au lieu d’être à la hauteur du dos des gens, de côté à la scène.
Ce n’est qu’un exemple, une soirée… mais souvent je fais face à ce choix…
Demander carrément un coup de main, accepter franchement l’aide offerte… et mieux profiter d’une activité, être plus confortable, etc.
Ou ne pas oser, et endurer.
De plus en plus, j’arrive à oser.
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Bravo je suis très fière de toi et de ce que tu as fait. Je ne sais pas si j’arriverais à faire face à une telle soirée. Je me questionne beaucoup sur ce fait présentement car comme toi je ne suis pas bien nul part ni bien longtemps. Je pense que si j’assistais à une soirée comme celle là, je ne prendrais pas de chance et j’irais en fauteuil. Bon entre le dire et le faire, il y a deux mondes, mais j’accepte de plus en plus à utiliser ma canne lorsque je sais que je dois marcher un petit moment. Ça m’aide à alléger mes douleurs car ça me donne un appui. Merci pour cette nouvelle réflexion. Tu m’amènes toujours sur des pistes intéressantes qui m’oblige à penser »et comment j’aurais fait moi » et du même coup, lorsque l’évènement se présente, j’y ai déjà songé grace à toi alors j’y suis mieux préparé.
Julie F.
Ah, merci beaucoup!
Ton commentaire me touche beaucoup!!!