J’avais déjà dit que j’aborderais le sujet, mais je m’y mets aujourd’hui, motivée par l’expérience décourageante d’une amie qui, s’étant rendue à l’hôpital dans l’espoir d’obtenir des réponses, a été cataloguée dépressive/hypochondriaque/PAS MON PROBLÈME-RIEN À FAIRE par le médecin qui l’a vue. Elle espérait des tests, des références, des réponses. Il l’a accusée de se droguer et a envoyé une demande de tests psychologiques à son médecin, directement, pour s’assurer que ce soit fait! Bravo.
Encore une démonstration que lorsqu’on a des symptômes qui ne s’expliquent pas facilement, surtout si on est une femme, on est classé hystérique et pas du tout pris au sérieux. Et pourtant, mon amie a des symptômes bel et bien physiques, un diagnostic de maladie chronique… mais rien de ça n’a été pris en compte.
Ça m’a dautant enragé que j’ai vécu la même chose à plus d’une reprise.
J’ai consulté deux psychologues dans ma vie.
Une première fois en 2003, l’année où mon syndrome d’Ehlers-Danlos s’est compliqué, et que je n’avais alors aucune idée de ce qui n’allait pas avec moi.
J’allais de généraliste (sans rendez-vous, je n’avais pas de médecin de famille à l’époque) en spécialiste, sans réponses… mais avec en masse de jugements et de mépris… J’essayais d’expliquer mes symptômes et de mettre l’emphase sur ce qui m’handicapait le plus, sans pouvoir vraiment l’identifier moi-même… Je remarquais surtout les maux de tête, qu’au début j’appelais « migraines », puisque c’était tellement semblable à mes migraines habituelles… sauf que ça ne cessait jamais. Ça, et ma fatigue et les évanouissements. Le reste, c’était secondaire, et je souffrais tellement que je m’en rendais à peine compte!
Cependant, comme aucune cause frappante n’était trouvée, comme une migraine ne dure pas des mois et que les examens d’imagerie médicale de mon cerveau sont revenus normaux, les médecins se disaient tous « c’est dans sa tête ».
Le neurologue qui me suivait depuis des années pour mes migraines a décidé qu’il s’agissait de maux de tête de tension ou de « rebonds » suite à une trop grande consommation de mes anti-migraineux ou autres anti-douleurs et m’a conseillé de ne rien prendre pour la douleur et de « relaxer », et pourquoi pas, de consulter un psy.
Les gens du service de santé de l’hôpital où je travaillais, qui s’affichent comme étant au service des employés, mais qui au fond, font tout pour s’assurer que les assurances-salaire ne paient rien, a suggéré qu’il s’agissait d’un « trouble d’adaptation », parce qu’après tout, je venais d’obtenir un nouveau poste dans l’hôpital! (ce « diagnostic » établit par une commis n’ayant pas discuté plus de 10 minutes avec moi, et n’ayant vu mes documents qu’en passant).
Je me suis alors dit que j’irais consulter le psychologue des employés de l’hôpital, dont j’avais accès aux services gratuitement, pour prouver une bonne fois pour toute que ce n’était PAS dans ma tête!
Après tout, j’étais bachelière en psychologie, et la première chose que j’avais fait quand j’avais vu que mes symptômes persistaient, c’était de fouiller dans mes livres pour me rassurer à ce sujet… et je n’avais pas les critères les plus essentiels pour établir ces diagnostics, je n’avais que les symptômes physiques.
Ayant étudié en psychologie, je n’ai aucun préjugé envers la maladie mentale. Si je souffrais d’une dépression, ça n’était pas tabou pour moi, je voulais avoir le bon traitement et le bon suivi! Mais ce n’est pas ce dont je souffrais et je le savais!
J’ai rencontré ce psychologue, et très rapidement, il a établi que ce n’était rien de psychologique et que ma santé mentale était en bon état… sauf le fait que j’étais en détresse dû au fait que ma santé PHYSIQUE était en très mauvais état et que tout le reste en était affecté.
Mes finances étaient précaires, je risquais de perdre un ou plusieurs emplois, ma vie sociale était inexistante, les gens me jugaient et doutaient de moi… sans compter que je souffrais atrocement physiquement, sans voir de porte de sortie!!!
Mais tout ça, c’était la conséquence, pas la cause!
J’étais très soulagée d’avoir cette validation de la part d’un psychologue.
Il m’a beaucoup aidé, en ce sens qu’il m’a dit « C’est dur, mais il faut que tu continue d’aller harceler les médecins jusqu’à ce qu’ils trouvent ce que tu as, parce que ce n’est PAS dans ta tête, et il faut qu’ils trouvent ce que tu as et peut-être qu’il y a un traitement pour que tu puisses aller mieux, et sinon au moins tu pourras mettre un nom sur ton problème »
Il m’a dit que sinon, LÀ je risquais la dépression… en plus du reste.
Malheureusement, quand je lui ai demandé une preuve, un papier… sur lequel il indiquerait ce qu’il venait de me dire… il a refusé. Il a dit « un psychologue n’a pas le droit de poser de diagnostic » et m’a dit que si ma parole ne suffisait pas à un médecin, je pouvais toujours leur demander de lui téléphoner.
Il est vrai qu’ici les psychologues n’ont pas ce droit. Mais entre poser un diagnostic et écrire sur un papier « je ne pense pas que cette patient a un trouble psychologique »… je ne vois pas en quoi ce serait pire que de parler de vive voix et dire la même chose à un docteur. Ou à me permettre de prendre une copie de son rapport et de remettre celui-ci à un médecin!
C’est ce que j’aurais dû faire… mais on en dit des choses personnelles en une heure avec un psy, et je ne voulais pas que TOUT ÇA se retrouve entre les mains de n’importe qui, alors je n’ai jamais demandé de copie.
Ce qui s’est produit par la suite, c’est que si j’annonçais que j’avais consulté un psy qui avait dit que ce n’était PAS un trouble psychologique et qu’il m’avait poussé à continuer de chercher une cause médicale (ou si je répondais ça à un médecin qui me demandait « avez-vous consulté un psychologue? » ou qui voulait m’y envoyer)… plutôt que de me croire ou d’accepter ma réponse, ils mettaient ma parole en doute, ou se disaient que j’étais « sur la défensive » (lu dans un rapport…) et évidemment si je disais « le psychologue a dit que vous pouvez l’appeler », pas un n’a demandé ses coordonnées pour le faire.
Ils voulaient m’y envoyer pour se débarasser de moi et confirmer leur idée… ils ne voulaient pas se faire dire qu’ils avaient tort.
Je suis retournée voir un psychologue vers 2006.
De moi-même, encore une fois. J’avais demandé le papier à mon nouveau médecin de famille.
Je voulais apprendre à mieux vivre avec le deuil de ma vie d’avant et savoir mieux d’adapter à la nouvelle vie d’invalide.
Je n’avais pas encore le diagnostic de syndrome d’Ehlers-Danlos ni d’hypotension orthostatique, mais je savais que mon état ne changerait probablement jamais et je trouvais ça très dur.Cependant, j’ai compris assez vite que la thérapie, pour une bachelière en psychologie… c’est pas fort.
Surtout pas quand on est du type à trop analyser.
Soit je voyais venir ses techniques un mille à l’avance (« elle me pose cette question pour savoir si je ressens ceci », « elle veut me faire dire ça »)… soit je voyais des techniques où il n’y en avait pas!
Je passais mon temps à interpréter mes réponses moi-même : « je sais que si je dis ceci, vous allez penser que je pense ça, mais je veux vraiment dire cela… », à me censurer…
Mais au final, avant même la fin du premier rendez-vous… elle m’a annoncé que j’avais déjà fait le travail de deuil par moi-même!
Je dois avouer que j’étais très fière de moi. 🙂
Même si je ne saurais dire comment, exactement, j’ai fait ça. Ce n’était pas conscient.
Mais, en gros… je n’avais pas besoin de voir un psy pour m’aider à faire face à la maladie chronique. (et j’ai sauvé pas mal de sous!)
N’est-ce pas ironique?
Pendant des années, tant de médecins qui voulaient m’envoyer voir des psys et qui auraient voulu me convaincre que je n’avais rien, que j’imaginais tout ça… et les psys qui, eux, m’on dit que je n’avais pas besoin d’eux!
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