La recherche


Je ne sais pas si ça vient de mon côté curieux, de mon côté qui cherche à aider ou de mes études en psychologie, où j’ai appris l’importance de la recherche scientifique, mais je me fais toujours un devoir de participer aux recherches scientifiques qui me concernent (ainsi qu’aux sondages!), surtout aux études liées aux maladies rares.

J’ai déjà mentionné ma participation à une recherche en génétique de séquençage de l’exome, dans l’espoir de trouver le gène du syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile.

À l’été 2018, j’ai participé à deux recherches.

Recherche en physiothérapie

La première était en personne, au centre de réadaptation Constance-Lethbridge de Montréal. Il s’agissait du projet d’étudiantes en physiothérapie qui, à l’aide de capteurs de mouvement (comme pour les animations 3D!) et de divers tests, voulaient voir si les personnes atteintes de SED bougeaient différemment des personnes en santé, afin de voir s’il fallait adapter les exercices de physiothérapie… et si oui, comment.

Les étudiantes étaient très enthousiastes en apprenant que j’avais un blogue sur les syndromes d’Ehlers-Danlos, et m’ont permis de prendre plusieurs photos (en ont même pris pour moi!). Elles ont patiemment répondu à toutes mes questions et, à l’inverse, ont profité de mon statut de patient-expert pour m’en poser à moi aussi!
J’ai profité de l’occasion pour les remercier d’avoir choisi une maladie orpheline comme sujet de travail!

Une fois un long questionnaire rempli, on a installé les capteurs. C’était assez long, et j’ai dû prendre une pause. Elles ont fait une partie du travail pendant que j’étais assise, m’ont régulièrement demandé si j’avais besoin de pauses, j’étais toujours libre d’arrêter pour prendre du Gatorade ou m’assoir. L’atmosphère était agréable, et je me sentais comprise et à l’aise.

Une fois les capteurs posés, j’ai dû marcher, puis marcher encore. L’idée étant qu’on ait assez de répétitions pour qu’on ait une bonne moyenne, et une démarche naturelle.

Les capteurs sont les petites boules blanches
(aux épaules, aux hanches, le long des jambes et sur les souliers).
Un autre type de capteur se trouve sous les bandages élastiques blancs.

Les capteurs permettaient de voir le mouvement à l’écran, c’était vraiment cool!

Par la suite, j’ai eu m’assoir et me relever d’une chaise puis à monter et descendre d’une marche. Pour ces deux tests-là, on y est allées doucement, et ça n’aurait pas été grave si je n’aurais pas pu.
Finalement, on s’est installé sur une espèce de machine de gym avec forte résistance, pour tester ma force (et la façon dont je forçais). On a fait différents tests, chacun trois fois, avec les bras et avec les jambes.

La douleur

Lors d’un de ces tests, j’ai mentionné que j’avais des ligaments déchirés (afin qu’elles sachent que ça risquait d’avoir un impact sur ma façon de bouger et afin de prévenir que je risquais de ne pas pouvoir faire les trois répétitions habituelles). Les étudiantes m’ont évidemment tout de suite offert de ne même pas essayer, mais que j’ai répondu que non, c’était correct, je pouvais le faire, ou au moins essayer.
C’est là qu’elles m’ont fait part d’une observation : au moment de mon passage, elles avaient vu plus de la moitié de leurs participants (SED comme en santé)… et alors que les personnes en santé avaient tendance à arrêter au moindre signe de douleur, ou à ne pas faire une partie du test en cas de blessure, les personnes atteintes du syndrome d’Ehlers-Danlos avaient eu chaque fois l’attitude inverse, soit de passer outre aux blessures et à la douleur, soit par habitude soit par désir d’offrir des données à la science!

Ça ne m’a pas surpris. Beaucoup de gens ont de la difficulté à comprendre qu’on puisse effectuer certaines choses malgré nos blessures… ou plutôt, pour être bien franche, le fameux : « si tu es vraiment blessée/si tu as si mal que ça, comment ça se fait que tu arrives à faire ça? ». Variante de « Comment ça se fait que tu n’es pas capable de faire ci, tu as été capable de faire ça hier! »

La réponse est simple, mais à deux volets (et je vais me limiter aux blessures, mais c’est évidemment beaucoup plus complexe, vu les autres problématiques de santé) :
1) De la même façon qu’un sportif va réussir à jouer avec une blessure grâce à l’adrénaline, on réussit à faire des choses à court terme, ponctuellement, grâce à notre volonté ou à l’adrénaline. Le temps d’une soirée spéciale, d’une semaine en voyage ou de déménagement, de quelques minutes en cas d’ugence…
Évidemment on ne peut pas toujours y arriver : une épaule disloquée ne va pas nous permettre de jouer au tennis malgré tout notre bon coeur… mais possible qu’on puisse faire quelques pas sur une entorse pour ne pas rester étalée par terre dehors.
Mais reste que c’est le genre de douleur intense qui ne peut pas durer, de blessure qui va empirer si on ne fait pas attention et la raison doit aussi s’en mêler.
2) Quand on a des blessures à plusieurs endroits, plusieurs dislocations par jour et de l’inflammation chronique, si on n’apprend pas à vivre dans la douleur, on abandonne l’idée de faire quoi que ce soit à tout jamais, car chaque geste, chaque activité fait mal.
Il s’agit d’apprendre à gérer la dose de douleur qui ne va pas nous envoyer en crise ou ne pas créer plus de problèmes à long terme.

Programme d’intervention de psychologie positive

La deuxième recherche (en anglais) s’appelait « Bien se sentir malgré le SED » (ma traduction – comme tout ce qui suit).
C’était en ligne, pour une étudiante à la maîtrise en psychologie appliquée du Royaume-Uni, donc « Positive Psychology Intervention », un programme d’intervention de psychologie positive à faire à la maison. Son but était de savoir si un programme en ligne pouvait être efficace, et si ce genre de programme pouvait aider les personnes atteintes d’un SED.

Je devais tout d’abord choisir 5 thèmes parmi une dizaine (d’autres se les sont faits imposer).
Parmi les choix : Utiliser ses forces d’une nouvelle façon, socialiser, compassion envers soi, savourer, observation consciente, journée de gentillesse, quête d’espoir, visite de gratitude, meilleur soi possible, remarquer les positifs. Mes choix sont en gras.

J’ai tenté de choisir des thèmes que je n’avais pas déjà abordé, des techniques que je n’utilise pas déjà; cependant, les choix étant limités, je me suis retrouvée avec quelques-uns qui faisaient déjà partie de ma façon de vivre, comme de remarquer les positifs ou l’observation consciente.

Pour ceux que ça intéresse, voici une courte explication de chaque thème/technique (les autres, passez au paragraphe suivant!) :
Utiliser ses forces d’une nouvelle façon —> Faire un inventaire de ses forces et trouver des façons différentes de les utiliser. Le but est de voir que la maladie n’empêche pas tout et qu’on peut se réinventer plus qu’on pense!
Socialiser —> Réfléchir aux possibilités de socialisation, planifier une activité, entrer en contact avec des gens. Faire l’effort qu’on n’ose pas faire ou qu’on croit inutile…
Compassion envers soi —> On a souvent plus de compassion envers les autres… faire l’exercice de s’écrire une lettre comme si on écrivait à un autre et voir la différence! On devrait souvent se demander « je me dirais quoi, si je parlais à quelqu’un d’autre? Est-ce que je me parlerais comme ça? ».
Savourer —> Prendre le temps. Il y a plusieurs techniques, en passant par la gorgée de thé qu’on prend le temps de décortiquer à la sensation du soleil sur sa peau. Prendre le temps de savourer, c’est aussi un moyen de s’ancrer dans le moment présent.
Observation consciente —> Prendre conscience des sensations de son corps, de ses émotions et de ses pensées. Introspection et détachement en même temps. Analyser autant que les sensations neutres ou positives que les douleurs, mais aussi les sentiments les idées.
Journée de gentillesse —> Planifier 5 actes de gentillesse en une journée, et réfléchir à l’expérience par la suite. C’est plus difficile d’être malheureux en posant des gestes positifs! …et le monde a besoin de gentillesse.
Quête d’espoir —> Définir des objectifs, déterminer des façons d’y arriver et des voies alternatives; visualiser l’atteinte des objectifs. Avoir des objectifs aide à continuer, et travailler à trouver des façons de les atteindre et penser à des alternatives montre que c’est possible même si des obstacles se présentent.
Visite de gratitude —> Écrire une lettre de gratitude à quelqu’un et aller la remettre à la personne. Ça nous rappelle qu’on a des raisons d’être reconnaissants!
Meilleur soi possible —> Imaginer et visualiser ce que l’on souhaite être, quand notre vie aura tourné au mieux dans tous les domaines possibles. Parce que si on espère pour le mieux et qu’on le visualise, il y a plus de chances que ça se produise (et qu’on fasse les efforts et prenne les décisions qui vont y conduire), que si on se voit filer dans un mur.
Remarquer les positifs —> Noter 3 choses positives chaque jour et s’arrêter pour y penser. Il est d’ailleurs prouvé qu’après quelques semaines à faire l’effort de noter du positif chaque jour, l’esprit finit par s’habituer à trouver du positif!

Le programme

Chaque fin de semaine, on recevait le lien vers un petit cahier d’exercices en .pdf et on devait commencer les exercices le lundi suivant. Il y en avait pour moins qu’une heure de travail par semaine.
Après avoir oublié la première semaine, j’ai contacté la chercheuse, qui a par la suite envoyé un rappel chaque lundi, heureusement!
À la fin de la semaine, on devait remplir un petit questionnaire qui demandait, en gros, comment on avait apprécié le thème, les exercices, et si on trouvait que ça nous avait aidé.

Afin d’essayer d’avoir un tableau plus clair des effets, on avait rempli un questionnaire sur nos émotions et symptômes avant de commencer le programme. On l’a rempli à nouveau à la fin, puis une troisième fois, un mois après.

Étant quelqu’un de très positif et plutôt zen à la base, ayant étudié en psychologie, appliquant déjà dans ma vie plusieurs de ces techniques depuis des années, je n’ai pas trouvé que ça m’a beaucoup apporté. Mais ce n’est vraiment pas parce que ce type de programme est inutile ou mal fait, au contraire! C’est justement parce que c’est super, et que je l’utilise déjà de façon informelle!

Après quelques mois, j’ai reçu le rapport de recherche! C’est toujours très apprécié d’avoir le résultat de l’étude à laquelle on a participé.
Les conclusions sont que les interventions sont plus efficaces si les patients peuvent choisir leurs thèmes, et qu’en général elles sont très efficaces (et appréciées). La fatigue, les émotions positives et la satisfaction envers la vie en général ont toutes amélioré suite au programme.

En terminant, je vous dirais donc de ne jamais hésiter à donner un peu de votre temps pour la recherche, que vous soyez en santé ou atteint de dix-huit maladies rares en même temps! Il y aura toujours une recherche quelque part qui a besoin de vous, et c’est tellement important… sans la recherche, on ne serait pas ici!

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