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Mon histoire… et celle du syndrome d’Ehlers-Danlos 10


Edvard Ehlers (Danemark) en 1901, définit une maladie distincte dans une étude de cas, incluant les articulations lâches, une peau hyperextensible et une tendance aux hématomes. En 1908, Henri-Alexandre Danlos (France) publie une 2e étude de cas. En 1936, Frederick Parkes-Weber  suggère que la maladie soit nommée syndrome d’Ehlers-Danlos. C’est une des rares maladies nommées après deux médecins, d’où le trait-d’union.

En 1967, quand les généticiens se sont mis ensemble pour définir ce que le syndrome d’Ehlers-Danlos était vraiment (un ensemble de maladies avec des défauts distincts du collagène) et ont décidé de commencer à essayer de décrire les types de SED, ils ont établi un système numérique qui a déterminé les types de syndrome d’Ehlers-Danlos et les critères pour les diagnostiquer. En 1988, une conférence internationale a été proposée pour examiner le SED, ce qui s’est produit en 1997 quand le système courant a été mis sur pied, et les critères diagnostics ont été redéfinis.
Nous sommes à peine dans la 4e génération de médecins depuis 1936, le premier moment où quelqu’un peut avoir dit « vous avez le syndrome d’Ehlers-Danlos ». Mais nous n’en sommes qu’à la 3e génération de médecins qui ont en main des critères diagnostics et ont pu diagnostiquer un type de SED.
Le seul type enseigné jusqu’à récemment aux médecins était le syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire, parce qu’il raccourcit l’espérance de vie. Et les étudiants en médecine n’y passaient que 10-15 minutes. La plupart de la recherche sur le SED s’est effectuée au cours des 15 dernières années, alors qu’il est devenu évident que le syndrome d’Ehlers-Danlos n’est pas aussi rare qu’on le croyait, et qu’on a réalisé que les effets de la maladie touchaient le corps entier – de toutes les façons qu’un défaut du collagène peut apparaître dans le corps.
La plupart des résidents en médecine ont maintenant au moins une notion de base de ce que sont les différents types de SED et comment les reconnaître ou les examiner. Pas tous, mais beaucoup plus qu’il y a 15 ans.

Ceci explique cela…
J’ai commencé par cette petite leçon d’histoire du syndrome d’Ehlers-Danlos dans la médecine, pour aider à comprendre la mienne, d’histoire.

Je suis née en 1979.
Au demeurant, en pleine santé. Rien à signaler. Un bébé en pleine forme!

Je ne trouve malheureusement plus la photo, mais jamais je n’ai marché à 4 pattes. Non, moi, je faisais le grand-écart frontal (la split!), et je me traînais comme ça. Mes petites bottines de bébé n’étaient pas usées sur les orteils, comme tous les autres, mais sur les talons! Premier signe d’hypermobilité. Mais, hein, franchement… personne n’y a rien vu d’autre que du comique! Un signe que je serais ballerine!

Dans la petite enfance, jusqu’à l’adolescence, j’attrapais tout. Otites à répétition, laryngites, pharyngites, grippes, gastro-entérites, « virus » non-identifiés (saviez-vous qu’il y a des dizaines de virus? Que sans examen sanguin ou culture de gorge, le médecin ne peut pas déterminer lequel? Que ça coûte cher de l’identifier, et que, comme il n’y a rien à faire, ça ne sert à rien? …bref, j’avais « un virus »). Une année, j’ai fait 2 bronchites en 6 mois.
Au secondaire, j’avais le joli surnom de « frame de chat »… ou de la revenante… parce que j’étais souvent absente. En secondaire deux, j’ai été plus souvent absente que présente, sans exagération.
C’était atroce d’embarquer dans le bus ou d’arriver en classe et de me faire demander, sur un ton méprisant « Bon, qu’est-ce que t’avais, ENCORE? ». Puis les obstinations « bin, moi aussi j’ai déjà eu ça, pis j’ai pas manqué! ». C’était assez pour, parfois, me faire manquer quelques jours de plus, pour ne revenir en classe que le lundi, parce que dans ce temps-là c’est comme si on repartait à neuf, et je me faisais moins achaler.
J’ai souvenir, en 3e année, que le directeur m’avait ramené chez moi… trop malade pour rester en classe, et ma mère n’avait pas de voiture… plutôt que de prendre un taxi, il m’avait fait un lift! Dieu que j’étais intimidée!

Vers l’âge de 11 ans j’ai commencé à faire des migraines, aussi.

C’est aussi à ce moment que j’ai développé une myopie sévère, qui n’a cessé d’empirer (jusqu’à l’âge de 30 ans).
Et au secondaire j’ai développé un problème occulaire de vue légèrement dédoublée… d’optométriste en ophtalmologiste, jamais on n’a pu trouver la source du problème, on m’a dit que je devais apprendre à « voir double ».

En plus de ça, je me blessais souvent. En courant derrière la maison avec mes amies, dès mon plus jeune âge, je me « revirais » une cheville, invariablement. Pas vraiment de foulure, mais ça faisait mal, parfois ça enflait un peu… mais ça ne durait pas.
Je me foulais un doigt au moins une fois par année, chaque fois qu’on jouait au volley-ball en éducation physique… et parfois autrement, aussi. En tombant, en jouant…
C’est comme ça que j’ai appris à écrire en tenant mon crayon avec d’autres doigts (plutôt que la position classique majeur, index, pouce), et de la main gauche. Parce que, n’est-ce pas, on ne manque pas l’école et on n’est pas excusé d’écrire rien que parce qu’on a un doigt foulé!
Je peux maintenant écrire lisiblement, bien que moins élégamment et assez lentement, de la main gauche. Euh… yé?

Ma mère se souvient (moi pas), qu’au primaire, je me suis déboîté une épaule, en faisant une mauvaise chute en glissade (sur neige). Après visite à la clinique, et radios, il fut constaté que « tout était normal ». L’épaule s’était replacée d’elle-même. Ma mère me dit qu’après ça ma clavicule a toujours été bizarre de ce côté…

J’ai eu un nombre record de radios… je me blessais si souvent… mais c’était toujours normal… parce que je ne me cassais jamais rien!

J’avais aussi, souvent, de grandes douleurs aux genoux. Pendant une dizaine d’années, mon médecin disait que j’avais juste des douleurs de croissance! Bin oui… J’ai grandi sans arrête tout ce temps-là… Surtout que ces douleurs ne se produisent que rarement, et pas dans les genoux!

Puis j’ai vieilli un peu… à la fin du secondaire je me suis déchiré un ligament au genou droit. J’ai passé quasiment un an en béquilles, puis avec une canne. J’ai eu besoin d’une chirurgie pour enlever un morceau de cartilage qui m’empêcher de bouger mon genou, et on m’a enlevé un morceau de ménisque.

C’est  à ce moment que j’ai commencé à être abonnée aux spécialistes. Je voyais des orthopédistes, physiothérapeutes, rhumatologues… qui, à ce moment, essayaient de comprendre pourquoi j’avais si mal aux genoux.

Sur le coup, on me disait surtout que « ça ne se pouvait pas » que j’aie mal aux deux genoux, puisque seul le droit était blessé… ou que « je ne devrais plus avoir mal » puisque la chirurgie avait été un succès… Ou encore, que je devrais « m’habituer à vivre avec la douleur » puisque le ligament ne se réparerait jamais… Contradictoire… et d’une grande aide, avouez! J’étais très reconnaissante… (NOT).

2 ans après, c’était une entorse de la cheville, et je me suis déchiré 3 ligaments. Et c’est là que j’ai eu une première piste de réponse. On était en 2000. J’étais au cégep et je me traînais en béquilles… j’ai vu une nouvelle physiothérapeute pour m’aider à guérir l’entorse… et en testant la flexibilité de ma cheville gauche, pour pouvoir déterminer à quel point ma cheville droite était en mauvais état… elle s’est exclamée « Mais tu es hypermobile! » et s’est mis en devoir de tester (à l’oeil, juste comme ça) quelques-unes de mes autres articulations… c’est elle qui m’a annoncé que j’étais hypermobile de partout.
Elle m’a annoncé que c’était pour ça que je me blessais si facilement, que je ne devrais jamais porter de talons hauts (j’avais déjà compris ça), que, idéalement, je devrais m’en tenir aux souliers de course et aux bottines qui supportent les chevilles…

Je ne suis pas certaine, mais je crois bien que c’est elle aussi qui m’a référé à un physiatre de Montréal, spécialisé en médecine du sport, qui pourrait peut-être m’aider.

Je n’en revenais pas… j’avais 20 ans, je souffrais de ce problème depuis ma naissance, ça faisait des années que j’avais des problèmes et que je passais de spécialiste en spécialiste… et ça prenait une « simple » physiothérapeute, que les spécialistes méprisent quasiment, pour me diagnostiquer?!
J’étais tellement heureuse de comprendre!
Mais un peu déçue qu’il n’y ait pas de solution, sauf la prévention.

Cette année-là, le rhumatologue que je voyais m’a appris que ma douleur, qui, alors, commençait à s’étendre aux chevilles, aux poignets, et parfois ailleurs, s’expliquait par l’arthrose. C’est-à-dire l’usure des articulations. Il m’a dit que si je ne faisais pas attention, si je ne cessais pas de danser, je me retrouverais en chaise roulante avant l’âge de 30 ans.
J’ai cessé de le voir peu après… pas à cause de cela, simplement parce qu’il n’arrivait pas à m’aider et avait fait le tour, et que son bureau était loin de chez moi.

J’ai finalement vu ce physiatre. Au début, il a beaucoup cherché la source de mes problèmes, sans trop comprendre. Mais il continuait à chercher et à essayer de m’aider. Je le vois encore aujourd’hui, d’ailleurs. 10 ans plus tard, il ne m’a jamais lâché.
Il a confirmé que j’étais « hyperlaxe » (il préfère ce terme à « hypermobile »), mais pour lui ça n’expliquait pas les douleurs. Au départ, il n’acceptait pas le diagnostic d’arthrose. Le rhumatologue n’avait pas indiqué de diagnostic dans son dossier… malgré une telle menace! Alors le physiatre m’avait dit « coudonc, tiens-tu vraiment à être si malade? À un tel diagnostic? ». …il ne comprenait pas.
Finalement, c’est lui-même qui a déterminé que je n’avais plus de cartilage dans mes genoux, que mes genoux avaient environ 75 ans… Il est maintenant d’accord avec l’arthrose comme diagnostic… Je préférerais que ce ne soit pas le cas… Ou plutôt, que je n’en souffre pas!

En 2003, je suis tombé très malade. Suite à un combo pharyngite-laryngite je n’ai pas remonté la côte. Même que mon état s’est détérioré.
On ne le savait pas, mais c’était le SED qui se compliquait. C’était l’intolérance orthostatique qui venait de se déclencher. Ça ressemblait à une mononucléose… sauf que les tests étaient normaux, et que ça ne guérissait pas.
J’étais incapable de fonctionner, de travailler. J’ai perdu mon emploi, j’ai perdu mon appartement, j’ai dû ré-emménager avec mes parents.
J’ai éventuellement obtenu un diagnostic, qui était erroné, de syndrome de fatigue chronique. Le pronostic? Rien à faire.
Mais j’étais incapable d’accepter ça, et surtout, ça ne faisait pas de sens pour moi. Parce que je savais que j’avais déjà l’hypermobilité… et qu’avec mes connaissances en bio, je trouvais donc que tous les symptômes, ou presque, s’expliquaient par une basse pression… j’ai fait des recherches supplémentaires, je me suis obstinée (on parle d’années, quand même… car quand on essuie un refus, qu’on est à terre… c’est long se relever et recommencer… sans compter qu’obtenir des rendez-vous en médecine, c’est long!).

Finalement d’un forum d’information sur les personnes hypermobiles à une recherche sur les symptômes de dysautonomie, j’ai fini par faire le lien… et j’ai réalisé que, non seulement je souffrais probablement d’un problème de pression sanguine et non du syndrome de fatigue chronique… mais que TOUT était probablement lié!
J’en ai parlé à mon médecin de famille, qui après avoir vérifié sur internet, a été convaincue et m’a envoyé en génétique.

C’est en 2009 que j’ai eu le diagnostic d’Ehlers-Danlos hypermobile, et c’est la généticienne qui m’a suggéré d’aller consulter en médecine interne, car elle croyait possible que le reste de mes symptômes soient reliés… à tout le moins, elle était convaincue elle aussi que je ne souffrais pas du syndrome de fatigue chronique…
3 mois plus tard, je voyais une interniste et j’obtenais le diagnostic d’intolérance orthostatique lié au SED, et, enfin, un traitement… qui ne me remettait pas en pleine forme, mais qui aidait grandement. Assez pour que je n’aie plus besoin de ma chaise roulante, sauf exception.

Entre temps, cependant, mes articulations ont continué à détériorer. Juste au niveau articulations, si je regarde l’évolution:
10 ans : je me blesse plus facilement que mes amis, mais ça ne dure pas, c’est rarement grave. J’ai des douleurs aux genoux, surtout l’été quand je ne danse pas. Je suis très active (danse, jeu avec les amis, etc)
20 ans : je me blesse, déchirures de ligaments. Je suis très active, pas une minute à moi, mais pas autant physiquement. Suivant les conseils du rhumatologue, je ne danse presque plus (ça me fait tellement mal de toute façon!).
30 ans : je me blesse à rien, je suis alitée des semaines à la fois, j’ai une chaise roulante, j’ai des crises d’arthrose horribles…
40 ans?
Très décourageant. 🙁

Mais je me dis que si la recherche ne se fait vraiment que depuis 15 ans, peut-être qu’un miracle est possible dans les 15 prochaines années!

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10 commentaires sur “Mon histoire… et celle du syndrome d’Ehlers-Danlos

  • Kathy

    Bonjour Jr m appelle kathy j ai 41 ans je viens également d être diagnostiquée, je me sens un peu lâchée dans la nature sans traitement .les médecins ici ne semblent pas vraiment connaître la maladie poil heure je viens de recevoir des semelles après une consultation en posturographie, semelles censées atenuet les douleurs et la fatigue
    En arrêt depuis plusieurs mois la fatigue m isole socialement… Moi qui étais avant une véritable pile électrique désormais je ne peux la majorité du temps quitter mon canapé tellement la fatigue est présente
    J entends parler d oxygénothérapie et de levocarnil .. Quelqu un connaît il ? Merci poir vos réponses, bon courage à tous

    • Annie-Danielle Grenier Auteur du billet

      Bonjour Kathy,
      c’est toujours difficile suite au diagnostic, surtout quand on n’a pas encore trouvé une bonne équipe soignante.

      Ici ce n’est qu’un blogue, pas un forum… vous trouverez plus d’endroits pour discuter et trouver des réponses sur Facebook, ou Rareconnect.org
      Vous pouvez retrouver quelques liens ici http://maviedezebre.com/liens/

      Bonne chance, et courage!

  • agnès

    Bonjour,
    Hyperlaxe, atteinte de POTS, je suis en attente de diagnostic pour le SED. Je suis aussi atteinte de Lyme ancien et chronique. Avez-vous pensé à cette éventualité? C’est très mal diagnostiqué car bcp de faux négatifs, mais certains médecins spécialisés peuvent le faire. Les symptômes sont très similaires au SED.

    Merci pour votre blog… 🙂

    • Annie-Danielle Grenier Auteur du billet

      Bien sûr que ça a été considéré… mais l’ensemble de mes symptômes dès l’enfance coïncide avec le SED tandis que ça ne colle pas tant que ça avec la maladie de Lyme, bien qu’en effet cela soit très similaire!

      Merci de votre commentaire!

  • Annabelle

    Bonjour!

    Je viens de tomber sur ce post par hasard…je suis vraiment désolée que vous ayez eu à passer à travers tout ça! Mais j’espère comme vous que la recherche dans le domaine permettra aux gens qui souffrent de cette condition d’avoir plus d’appui dans le corps médical et une meilleure qualité de vie…

    Mon copain vient d’être diagnostiqué avec cette condition, et il souffre de maux de dos très sévères tous les jours, depuis maintenant un an. Il a vu une quantité de médecins dans plusieurs villes (et pays!), mais encore rien n’a permis de réduire ses douleurs. Étant donné votre parcours, je me demandais s’il serait possible de vous contacter en privé pour discuter des médecins et spécialistes qui vous ont aidée? Nous sommes à Ottawa mais sommes prêts à voyager au Québec si ça pouvait nous aider!

    Je vous remercie d’avoir partagé votre expérience, et de toute aide que vous pourriez fournir.

    • Annie-Danielle Grenier Auteur du billet

      Je vous conseille de contacter le Regroupement québécois des maladies orphelines (rqmo.org), ce sont des gens compétents et accueillants, et c’est grâce à eux si j’ai trouvé des médecins qui m’ont aidé! Beaucoup grâce à eux aussi que de plus en plus de médecins du Québec sont mieux informés sur les maladies rares et leur réalité! Ils ont peut-être même les coordonnées de quelques médecins d’Ottawa, qui sait? 🙂

  • Céline VERLA Verla

    Salut!
    Je vis en france et suis egalement en attente du diagnostique de SED. Ma vie est comique quand on connait cette maladie, tous les malades ont passé des années en errance medicale. Afin que vous puissiez avoir un peu d’espoir, la pire periode de la maladie se situe entre 27 et 32 ans. Parfois un peu plus. Avec la ménopause cela va généralement beaucoup mieux car les hormones jouent un role important dans la maladie.
    Courage a tout le monde

    • Annie-Danielle Grenier Auteur du billet

      Bonjour!
      Effectivement, la majorité des personnes atteintes du SED connaissent une errance diagnostique de plus de 10 ans en moyenne (du moins selon une étude récente au Québec).
      Chaque patient est différent. Selon les autres patients que je connais, je ne pourrais malheureusement pas confirmer votre affirmation comme quoi le pire de la maladie se situe entre 27 et 32 ans. J’en connais beaucoup dont la situation s’est empirée à la fin de l’adolescence ou au début de la vingtaine (ce fut mon cas), et à presque 39 ans, en préménopause, ma situation continue de se détériorer. Cela dit, je ne souhaite décourager personne, car je le répète : chaque zèbre est différent!
      Bon courage à vous aussi Céline!