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À quel point suis-je handicapée? 3


Cette question peut sembler bizarre. Juste le terme « handicapé » en fera sursauter plus d’un, qui ne me considèrent pas du tout ainsi.

Je me souviens encore de la surprise (négative) de mon entourage quand j’ai abordé pour la première fois la question de la vignette de stationnement handicapé, puis de la chaise roulante… plus récemment du crédit d’impôt pour personne handicapée. « Mais t’es pas handicapée » ou « t’es pas si malade que ça ».

Et pourtant, à d’autres moments je raconte une anecdote et les commentaires qu’on me fait me laissent entendre que je suis plus handicapée que je ne le perçois, comme quand on me suggère de demander de l’aide extérieure ou que j’apprends avoir droit à ce fameux crédit d’impôt pour personne handicapée, par exemple.

On entend « handicapé » et on imagine une personne en chaise roulante, paralysée. Alors que ça signifie « personne avec un handicap » et que la définition de « handicap » peut varier grandement… et que ça veut dire, à la base, une limitation dans le fonctionnement.

Certaines personnes plus visiblement handicapée que moi (paralysée des jambes, par exemple) peut être bien plus fonctionnelle et bien plus en forme que moi! Pensez aux joueurs basketball en chaise roulante aux olympiques spéciaux!

Malgré tout, je me pose parfois la question: à quel point le syndrome d’Ehlers-Danlos (et les complications: dysautonomie et arthrose) me créent un handicap, à quel point c’est grave?
Pourquoi je me pose la question? Parce que je file déprimée et que je rumine? Pas du tout 🙂 En général, c’est quand je suis face à des papiers à remplir… comme ceux pour le fameux crédit d’impôt.

En fait, le questionnement commence avant. Il commence quand j’entends parler d’un service, d’une aide à laquelle les « handicapés » ont droit… je me pose la question si je suis « assez malade » pour y avoir droit aussi, si j’en ai même besoin… Puis j’en parle autour de moi. Inévitablement, il y a ceux qui croient que j’en aurais définitivement besoin (souvent, en fait, ceux par qui j’ai appris l’existence du programme en premier lieu!) et que ce serait parfait pour moi (et donc, convaincus que j’y aurais droit sans aucun doute!)… et ceux qui croient que j’exagère, que je perds mon temps, que je n’ai pas besoin de ça et que si je fais une demande je serai évidemment refusée… et que si ma demande est acceptée, c’est de l’abus, que je prends l’aide qui devrait être accordée à quelqu’un qui en a plus besoin que moi.

D’un côté, ceux qui prennent presque en pitié, qui poussent aux démarches… de l’autre, les commentaires désagréables, les regards méprisants, les sous-entendus presque méchants.

Alors, je regarde les papiers, les questions posées… et comme pour n’importe quoi, ce n’est pas si facile de répondre à la question.

D’un côté, quand on se compare on se console, et c’est clair que je ne suis pas en si mauvais état que bien d’autres.
Je suis passablement autonome : je contrôle mon corps (sauf pendant quelques minutes par année où je suis en syncope), on n’a pas besoin de me faire manger, je suis consciente et cohérente…
En fait, je pense que si j’en avais les moyens financiers, je pourrais habiter seule… moyens financiers impliquant payer de l’aide, entre autre.
Mais, bon, la plupart des jours je peux me déplacer sans aide, je suis presque normale. Je peux écrire ce blogue et conduire. Ce qu’on appelle les fonctions de base, je les ai.

Ce que je n’ai plus est l’endurance, les capacités cognitives et physiques d’occuper un emploi de façon permanente, à long terme et plusieurs heures par semaine.

Alors c’est clair que si je me compare à la personne polytraumatisée ou incapable de se nourrir, je ne suis PAS handicapée.

Par contre, avec le revenu que j’ai présentement et sans aide extérieure, je ne pourrais pas habiter seule. Je ne peux pas m’occuper des tâches ménagères, préparer tous les repas, faire les courses, etc. Je peux faire un peu de ces choses quand je vais bien, mais jamais tout, et quand je ne vais pas bien, je ne peux rien faire du tout.
J’ai besoin de la chaise roulante quand je dois marcher de longues distances. Je ne peux pas rester debout longtemps. Je n’ai pas de force musculaire et aucune endurance. Si je suis blessée, ce qui arrive souvent, je suis vraiment limitée.
Par exemple, pas plus tard que cette semaine, ma mère a dû couper ma viande, et j’étais incapable de cuisiner.
En crise, mes capacités cognitives sont diminuées et j’ai de la difficulté à réfléchir… Et ça, c’est quand je ne suis pas complètement alitée, ces (rares, heureusement) moments où j’ai même besoin d’aide pour me rendre jusqu’à la salle de bains et où c’est la seule « activité » que j’arrive à faire.

Dans ces aspects, oui je suis handicapée.
Quand je regarde ces formulaires, je coche plusieurs cases :
Problème cardiaque. Difficultés motrices. Utilisation d’une chaise roulante. Etc.

Bien souvent la réponse s’accompagne d’un « pas tout le temps » ou d’un « selon l’évolution des symptômes ». C’est « moins que d’autres ». Mais c’est là. Et ça suffit.
Le résultat est que ces programmes gouvernementaux me considèrent handicapée. J’allais écrire « en général »… mais à ce jour, c’est « tout le temps ».

Pour ce qui est des gens qui trouvent que j’exagère, je les vois comme ceux qui me disent « mais tu n’as pas l’air si malade ». Ce sont en général des gens qui ne me voient que quand je vais assez bien, et qui ne réfléchissent pas au fait que, s’ils ne me voient pas le reste du temps, c’est justement que je ne vais pas assez bien.
C’est dur de faire face à leurs commentaires, mais j’essaie de les ignorer.
Je ne vais pas m’empêcher de profiter des programmes qui pourraient m’aider et auxquels j’aurais droit, rien que de peur de faire face à des attitudes désagréables de personnes ignorantes.


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3 commentaires sur “À quel point suis-je handicapée?

  • Hermine

    Site trouvé sur le site du Pr Hamonet, donc outil sérieux, si cela t’intéresse : http://handitest.free.fr/
    La vision du handicap est très partielle chez la plupart des personnes qui disposent de tous leurs moyens (et même parfois chez les autres), malheureusement… Mais on peut faire évoluer ça !

    • Annie-Danielle Grenier Auteur du billet

      J’avais déjà vu (je connais bien le site du Pr Hamonet).
      C’est effectivement intéressant. Cependant ça n’aurait aucun impact ici, ce ne pourrait être utilisé que pour tenter d’expliquer ma situation… et surtout, le problème que je décris demeure, à savoir que la situation évolue dans le temps : je passe de « plutôt normale » à « alitée » et ces deux états sont bien différents au niveau des capacités. 🙂